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Conversation avec Olivier Blanchard, économiste, néo-keynésiens, spécialiste de l’économie du travail, ancien professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il est depuis le 1er septembre 2008, chef économiste au Fonds monétaire international. Il a été membre du Conseil d’analyse économique auprès de l’ancien Premier ministre français, Lionel Jospin. Le professeur est membre du Conseil de l’organisation Econometric society et de l’American Academy of arts and sciences. Il a aussi été vice-président de l’association d’économistes en Amérique du Nord (American economic association) et il a agi à titre de conseiller économique pour plusieurs pays et organismes nationaux et internationaux. Auteurs de nombreux essais, dont «Macroeconomics», aux éditions Prentice Hall, 1997; « The economics of post communist transition», édition Oxford university press, 1997. Le dialogue a eu à Milan, auprès de l’université Bocconi au mois d’octobre 2008, où l’économiste a participé à une rencontre du National Bureau of economic research.

Antonio Torrenzano. Qu’est-ce que la crise nous a enseigné ? Avons-nous besoin d’un nouveau Breton Wood ?

Olivier Blanchard. La crise, elle nous a enseigné l’importance d’avoir une coordination entre institutions économiques pour avoir un système cohérent. Le Fond monétaire international ne veut pas être le régulateur du monde, ce n’est pas son devoir. Il peut, en revanche, aider les autorités nationales à structurer les vérifications et éviter de normatives contradictoires. Le premier ministre Gordon Brown, il a demandé pendant la réunion du G20 à Londres, une institution apte à avertir le système économique international des risques d’ordre mondial et celui-ci est notre devoir de base. Nous analysons de manière continue les différents États pour les avertir des risques qui leur courent. Le Fond monétaire international rendra ses analyses encore plus visibles afin de souligner pas seulement les dangers qui courent les Pays, mais aussi ceux-là au niveau systémique mondial.

Antonio Torrenzano. Qu’est-ce qu’il fera le Fond monétaire international dans cette phase ?

Olivier Blanchard. Dans cette phase, nous devons analyser quoi il n’a pas fonctionné, établir des issues afin d’éviter que la crise puisse se répéter, définir de nouvelles mesures de surveillance. Au Fond monétaire international, la communauté internationale a demandé d’étudier la leçon de cette crise et nous sommes en train de le faire. Certainement, nous devons repenser les rapports entre institutions internationales et gouvernements. Si vous me demandez, si nous avons besoin d’une nouvelle conférence de Breton Woods: ma réponse est négative. Breton Woods s’occupa de créer un système d’échanges fixes après la Seconde Guerre mondiale,mais tout ça a été un engagement différent respect à la situation contemporaine.

Antonio Torrenzano. Les individus ont-ils encore confiance dans le système financier ?

Olivier Blanchard. Les consommateurs sont effrayés: les familles dépensent moins et les entreprises ont cessé d’investir. Pour cette raison, nous pourrions avoir une récession plus profonde de celle-là que nous avions prévu. Si nous ne réussissons pas à rétablir la confiance, la reprise économique pourrait plus tard arriver. La crise, dans cette circonstance, peut être bien gérée. L’architecture de mesures réalisée dans la plus grande partie des Pays avancés n’est pas encore parfaite, mais je suis optimiste. Il faudra encore travailler sur certains détails, mais tous les gouvernements se sont engagés à prendre les solutions qu’ils ont discutées à Londres.

Antonio Torrenzano. Le pire est-il encore à venir ?

Olivier Blanchard. Je m’attends encore des moments difficiles, mais j’espère que la situation pourra lentement améliorer .

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Ulrich Beck, écrivain, sociologue, professeur de sociologie à l’université de Munich. Dans La Société du risque, Ulrich Beck constate un changement dans la configuration de la société, en raison du développement industriel et technologique, où la question centrale est désormais la répartition du risque pour tous les individus. Auteur de nombreux essais, traduit dans différentes langues européennes, dont «La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité», Paris, éditions Aubier, 2001;«Qu’est-ce que le cosmopolitisme ?», Paris, Éditions Aubier, 2006; «Pouvoir et contre-pouvoir à l’ére de la mondialisation», 2003. «La vérité des autres. Une vision cosmopolitique de l’altérité» aux éditions de l’aube, en 2004 et avec Edgar Grande, «Pour un empire européen», Paris, éditions Flammarion, 2007. Ulrich Beck a exprimé encore dans ses livres, ses positions en faveur d’un État supranational et d’un Parlement mondial. Le dialogue a eu lieu à l’université de Milan, au mois de février 2009.

Antonio Torrenzano. J’aimerais discuter avec vous de la crise du welfare state et du problème du chômage. Dans cette situation d’incertitude, les individus ont peur et ils vivent leur propre rapport avec l’avenir de manière négative.

Ulrich Beck. Le chômage est un problème énorme dans le monde entier. En Europe, aujourd’hui, un troisième de la population, il vit plus dans une condition de travail flexible et dans un état d’insécurité. Les individus doivent prendre conscience de ces incertitudes et les États devront repenser l’entier monde du travail. Malheureusement, il ne peut plus être mis au pair d’autres droits fondamentaux des citoyens comme le droit à l’assistance médicale ou à la retraite.Un effet reel, c’est que la démocratie puisse devenir plus faible. À moins que les citoyens ne viennent pas bien éduqués aux nouveaux défis et aux principaux risques auxquels quotidiennement ils sont sujets. Les citoyens sont en train de perdre, peut-être, la possibilité de participer et de faire entendre la propre voix à l’intérieur de l’arène politique.

Antonio Torrenzano.Pourquoi vos recherches et analyses, ils vous ont conduit sur le phénomène mondial du risque?

Ulrich Beck. Ma théorie repose sur une simple réflexion. La production des richesses est désormais intimement liée à une production de risques, comme l’exemple de la crise financière et la récession économique nous illustre. Cela pose un problème de justice sociale: si une partie seulement de la société profite de certaines richesses, ce pillage frappe toutes les classes sociales en traversant les frontières de l’entière planète. En 1986, quand j’ai commencé mes recherches, la mondialisation du risque n’était pas encore évidente. J’ai alors voulu reformuler ma théorie en identifiant plusieurs catégories de risques, en me concentrant surtout les risques transnationaux. Mes analyses consistent à anticiper les conséquences de catastrophes volontaires qui rendent une action politique nécessaire. Mais, j’exerce seulement mon travail de chercheur. Je ne suis pas un magicien, mais le système international présent est en crise et la communauté mondiale doit être prête à réagir à la situation contemporaine. Pour ce motif, je ne crois pas que nous aurons un avenir rose.

Antonio Torrenzano. Ce carnet numérique, au mois de mars 2009, a posé nombreuses questions à Zygmunt Bauman sur la mondialisation et sur la communauté internationale qui n’a pas un commun projet d’avenir. Mais, la situation contemporaine est-elle ainsi pire?

Ulrich Beck. Zygmunt Bauman n’est pas seulement un ami, c’est aussi l’un de grands sociologues de notre modernité. Prenez-vous, par exemple, le Réseau Net. Pour utiliser une métaphore: internet a remplacé le rôle qu’un temps ils avaient les rues. Je m’explique mieux, il y a vingt ans les gens manifestaient sur les rues. Aujourd’hui, elles manifestent par le Réseau Net dans le domaine transnational. Je crois que les risques contemporains sont imprévisibles et, en même temps, ambivalents. D’un côté, ils génèrent des catastrophes ; de l’autre, ils créent de nouvelles ouvertures sur le monde. Les nouveaux médias qui travaillent sur internet, en me refaisant à l’exemple précédent, ils sont devenus une plateforme fondamentale pour les différents intérêts articulaires et la vie démocratique. Nombreux maitres à penser affirmaient que plus rien ne pourrait naître. Mais à ces prévisions, je ne crois pas.

Antonio Torrenzano

 

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Les réunions de printemps 2009 entre le Fond monétaire international et la Banque mondiale commenceront ce week-end à Washington. L’assemblée du 25 et 26 avril se tient au lendemain du dernier rapport sur «les perspectives de l’économie mondiale» publié par le FMI et au lendemain de la réunion du G20 de Londres. Ces deux jours de réunions, ils seront cette année d’une vitale importance contre les pires effets de la crise économique mondiale. L’utilisation des 1000 milliards de dollars, mise à la disposition du FMI par les pays du G-20, elle figure également parmi les sujets à aborder autant que les investissements de protection sociale dans les secteurs de la santé et de l’éducation, en vue de protéger les populations les plus vulnérables des Pays en voie de développement. La Banque mondiale, en vue des réunions du 25 et 26 avril, a annoncé qu’elle prévoit tripler, à 12 milliards de dollars au cours des deux prochaines années, ses investissements dans les filets de sécurité et d’autres lignes d’action pour contraster les pires effets de la crise économique .

Chaque année, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international organisent deux réunions, l’Assemblée annuelle et la Réunion de printemps, afin de discuter de différents problèmes liés à la réduction de la pauvreté et au développement économique international, ainsi que d’évaluer le déroulement prévu des travaux des deux institutions. Ces rencontres, ils réunissent non seulement les ministres de 185 gouvernements, dont le Conseil des gouverneurs de la Banque et du FMI, mais également les représentants officiels des gouvernements, les représentants des agences donatrices et les dirigeants de la société civile.

Sur la crise économique et sur ses effets vers les populations les plus vulnérables des Pays émergents, Robert Zoellick, président du Groupe de la Banque mondiale, il a déclaré pendant sa conférence de presse du 21 avril qu’un monde qui n’apprend pas de l’Histoire est condamné à la répéter. Alors que la dernière réunion du G-20 était essentiellement consacrée aux questions financières, nous devons tirer des enseignements de l’histoire des crises passées, au cours desquelles les gouvernements, à court d’argent, ont réduit les programmes sociaux et ce qui a eu des conséquences catastrophiques pour les pauvres ». Dans la crise présente, on s’est surtout intéressé aux pays développés dont les habitants risquent de perdre leurs maisons, leurs actifs et leurs emplois. Ce sont des difficultés incontestables – a estimé Robert Zoellick – mais les personnes qui vivent dans les pays en développement ont bien moins de moyens de protection : elles n’ont pas d’épargne, pas d’assurance, pas d’allocations de chômage et souvent pas de nourriture. Nous ne devons pas laisser qu’une telle situation se reproduise ».

La persistance d’une conjoncture économique à risque, conjuguée à l’instabilité chronique des prix alimentaires, a enfin observé M.me Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale du Groupe de la Banque mondiale, signifie que pour les populations pauvres la crise alimentaire n’est pas prête à se terminer. La décision de renforcer ce mécanisme permettra à la Banque de disposer des moyens nécessaires pour continuer à intervenir rapidement en faveur des pays.

Antonio Torrenzano

 

 

*Dans l’image le President Robert B.Zoellick (World Bank Group) et le Directeur du FMI Dominique Strauss-Kahn pendant une réunion des deux institutions économiques à Washington.

* Un spécial remerciement au photreporter Alex Wong pour l’image.

 

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Le compte de la crise financière sera environ de 4000 milles milliards de dollars. Celle-ci est le chiffre final estimé par le Fond monétaire international dans le rapport présenté hier à Washington, près du siège de l’organisation économique. Le chef du département des marchés monétaires et financiers, l’économiste José Vinals, il a déclaré que les pertes monétaires mondiales sont pour deux tiers à la charge des banques internationales, pendant que la partie restante est à la charge des États de la communauté internationale.

Inévitables, elles seront les répercussions sur les comptes publics des différents pays occidentaux qu’ils ont dû soutenir leurs économies nationales et leurs banques. En Europe, le PIB de nombreux pays, il enregistrera un solde négatif plus élevé. Les pays intéressés seront la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Italie et l’Irlande.

Le directeur du département de marchés monétaires du FMI a encore affirmé que d’autres actions monétaires seront nécessaires pour renforcer le système financier mondial. La crise économique frappe toutes les classes sociales soit dans les économies occidentales soit dans les pays émergents. Les économistes du Fond monétaire international ont aussi indiqué le montant des capitaux nécessaires pour rejoindre une complète stabilité des banques: presque 725 milliards de dollars pour les banques de la zone euro, 500 milliards pour les instituts bancaires américains et environ 225 milliards pour les banques de la Grande-Bretagne. Dernière réflexion, trop dure à dire, mais nécessaire : la crise économique est loin d’être finie.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Sir Ralph Dahrendorf, économiste, sociologue britannique et homme politique allemand. En 1957 il commence sa carrière d’enseignant à l’Université de Hambourg; en 1960 à l’Université de Tubinga; en 1966 à l’Université de Constance où il enseignera jusqu’en 1969. Son travail permet la réalisation de nombreux apports à la création de la Communauté européenne. Il est l’auteur d’importants travaux sur les classes sociales et les conflits de classes dans la société industrielle (1973) où il analyse les problèmes de la société poste capitaliste. Du 1974 au 1984, il est le directeur de la London School of Economics. Du 1987 au 1997, Sir Ralph Dahrendorf est le doyen du St. Anthony’s College à l’Université d’Oxford. En 2007, il reçoit le Prix Prince des Asturies en Sciences sociales. Considéré comme l’un des auteurs fondateurs de la «Théorie du Conflit social», il est auteur de nombreux essais dans plusieurs langues diplomatiques dont «Class and Class Conflict in Industrial Society», Stanford, Stanford university press, 1959; «Society and Democracy in Germany», New York & London, Norton & Company, 1967; «The Modern Social Conflict», University of California press, Berkeley and Los Angeles, 1988; «Reflections on the Revolution in Europe», New York, Random House, 1990. La conversation a eu lieu dans les villes de Trento,Santa Margherita Ligure et dans la ville de Cologne.

Antonio Torrenzano. Le sommet de Londres a été un nouveau Bretton Woods?

Ralph Dahrendorf. Dans cette phase désordonnée, la situation est différente. Il n’y a pas de vainqueur et les États-Unis ne sortiront pas tout seuls de la crise économique et financière. Ils n’ont pas la force financière nécessaire :l’endettement américain est déjà très élève. En 1944, à Bretton Woods, John Maynard Keynes s’était déjà aperçu que le monde, il allait vivre une nouvelle situation géopolitique et du nouveau rôle dominant du dollar et des États-Unis. La crise contemporaine est mondiale et il faudra trouver de solutions mondiales en mettant de côté tous les possibles intérêts nationaux. Donc, une situation historique différente.

Antonio Torrenzano. Est-ce que vous êtes sceptique sur les décisions que les chefs d’État et de gouvernement des principales économies mondiales ont prises à Londres?

Ralph Dahrendorf. Les chefs d’État ont produit des déclarations sur les nouvelles règles à écrire pour le système. Le Fonds monétaire international sera renforcé et il y a une première affirmation sur les paradis fiscaux. Rien de vraiment important. Je prévois que la reprise économique sera longue et lente. La communauté internationale reviendra en matière économique à la période historique de Ronald Reagan et de Margaret Tahatcher avec un 20% en moins de richesse et pour certains aspects à un style de vie qu’il ressemblera aux années soixante. Styles de vie des années soixante avec une profonde dichotomie: le monde aura beaucoup plus de technologie, mais sans la confiance de ces années. En voulant être plus optimistes, nous pouvons prévoir que la crise portera à un changement d’habitudes économiques et sociales, avec plus attention à l’économie réelle et à un éloignement de la culture de l’excès du risque sans risque dans le système financier. L’usage des cartes de crédit diminuera et tout cela sera, peut-être, une situation nouvelle.

Antonio Torrenzano. Une longue crise économique pourrait-elle provoquer de nouveaux conflits sociaux ?

Ralph Dahrendorf. Dans la société occidentale, j’observe une colère diffuse. L’envie de trouver des coupables. Ces protestations, pour le moment, ils sont individuels ou ils se développent en manifestations de masse traditionnelle. L’Europe dans ce siècle, sera-t-elle elle à la guide du monde ?

Antonio Torrenzano

 

*Dans l’image Ralph Dahrendorf auprès de l’université Helmut Schimdt pendant un séminaire avec des étudiants.

 

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Conversation avec Saskia Sassen, sociologue, écrivaine, professeur de sociologie à l’université Columbia, membre du Comité pour la pensée globale. Saskia Sassen a été notamment codirectrice du département économie du Global Chicago Project. Auteur de nombreux essais, traduits dans différentes langues étrangères, dont «La globalisation. Une sociologie», aux éditions Gallimard, Paris, 2009. Le dialogue avec Saskia Sassen a eu lieu dans la ville de Bologne et Rome.

Antonio Torrenzano. La communauté internationale se confronte aujourd’hui à une triple crise: crise du système capitaliste, crise de la mondialisation libérale, crise du capitalisme financier. Le collapsus de l’économie de marché du mois de septembre 2008 est-il comparable à celui de l’économie planifiée dont il marqua la fin du système soviétique ? Pouvons-nous conclure que le monde est revenu au point de départ de 1989 ?

Saskia Sassen. Dans mon dernier essai sur la mondialisation, je souligne que les événements d’il y a vingt ans, ils ont aussi marqué le début de l’ère du libéralisme et l’appauvrissement massif d’entiers Pays. La fin de la guerre froide, elle a lancé une des phases économiques les plus brutales de l’ère moderne. Les États-Unis, une fois archivée la justice distributive de la période keynésienne, ils sont devenus l’espace et la ligne de frontière pour une nouvelle et radicale réorganisation du capitalisme jusqu’au 2008. Le 1989, il a ouvert les portes au projet américain de transformer l’entier globe dans un marché dominé par les grandes multinationales. Dans cette phase historique, les grandes multinationales, mais aussi la finance américaine, elles ont développé de modalités inédites de produire profit – par exemple – les subprimes. Ces mécanismes financiers, impensables dans la précédente période au 1989, ils sont devenus une partie intégrante du capitalisme avancé jusqu’à la crise financière de ces derniers mois.

Antonio Torrenzano. Capitalisme financier sauvage que l’historien Éric Hobsbawn considérait, dès le début des années 1990, comme la principale menace qui pesait sur le monde de l’après 1989.

Saskia Sassen. Dans mon dernier essai, j’ai retrouvé au moins trois mécanismes qui ont activé de nouvelles formes d’accumulation primitive dans la phase suivante au 1989. Le plus visible, il a été la réalisation des programmes d’ajustement structural dans le sud du monde par le Fond monétaire international et par l’Organisation mondiale du Commerce. Le deuxième mécanisme a été la croissance du travail informel et la réduction à de plus justes proportions du secteur manufacturier dans le nord de la planète. Il y a eu, enfin, l’élaboration de nouveaux types de crédit hypothécaires pour l’acquisition d’habitations orientées à individus avec de bas revenus économiques et vendus sur le marché financier. La finance au haut risque a amorcé un ensemble de macros crises qu’ils ont mis en difficulté l’entier système économique mondial dans ces derniers vingt ans.

Antonio Torrenzano. Les crises alimentaires et les élevées migrations d’individus du sud du monde, elles sont devenues graves et fréquentes. Dans vos essais, vous affirmez que l’ère de la mondialisation coïncide avec une très forte augmentation de flux migratoires. Est-ce que la pauvreté peut être un facteur d’instabilité internationale ? Quel a-t-il été l’effet de la chute du mur sur les mouvements des individus à travers les frontières ?

Saskia Sassen. L’effondrement du mur de Berlin a rendu lisibles deux trends importants: l’affaiblissement de la surveillance sur les marchandises et sur les capitaux et le défi à la liberté de mouvement des gens. Puis, dans la dernière décennie, le contrôle sur les migrants a été renforcé. Je me demande si l’ouverture des frontières pour de flux d’argent et de marchandises peut coexister avec des vérifications toujours de plus en plus étroites pour les individus. Pour ce qui concerne, le cas des États-Unis: la militarisation des frontières a – par exemple – favorisé un plus grand numéro d’immigrés clandestins. Les politiques de l’Union européenne, en revanche, ont été contradictoires : rigoureuses dans la défense des droits humains, fragiles dans la gestion des flux annuels de migrants qui peuvent résider et travailler dans le Continent européen. J’ai écrit beaucoup à ce sujet : je pense encore que les murs sont insoutenables et qu’ils sont le symptôme d’une crise que le pouvoir ne sait plus comment gérer.

Antonio Torrenzano

 

 

* Un spécial remerciement au photoreporter Gianni Ansaldi pour l’image.

 

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Les chefs d’État et de gouvernement réunis à Londres pour le sommet du G20, le jeudi 2 avril, sont parvenus à plusieurs compromis pour corriger la finance mondiale et relancer l’économie confrontée à sa pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Quelques réflexions sans illusions, elles sont donc possibles. Le problème dans son drame est simple. C’est comme avoir accumulé deux ou trois kilogrammes de trop pour quinze ans et être resté sédentaire. Et quand quelqu’un ira chez le diététicien, le médecin nutritionniste il lui dira de perdre 35 kilogrammes, mais les kilos de trop ne pourront pas être écoulés en quelques semaines ou quelques mois… Au contraire, il faudra attendre dix ans environ. Si le catastrophisme est critiquable pour les leaders politiques, l’honnête intellectuelle (vertu de temps difficiles) nous oblige à l’affirmer. Les quatre mots que les gens ordinaires ont appris depuis l’automne 2008 jusqu’à présent, c’est-à-dire : subprimes, Alt A, Assureurs monoline et ARS, ils ont couté à l’économie mondiale environ 300 milliards de dollars. Et pour les gens ordinaires qui commencent leur initiation au langage de l’économie ou un cours en gestion des affaires, tout cela fait cher, très cher. Mais, à ces mots déjà appris, il y aura encore un certain nombre à apprendre. Par exemple CDS (credit default swaps) dont la valeur est à aujourd’hui de presque 60.000 milliards de dollars… plus qu’un PNB mondial. Mais aussi credit card risk, c’est-à-dire le marché de carte de crédit que, par exemple, aux États-Unis il est en train de suivre la voie tracée par les crédits subprimes. Mais aussi carry trade ou encore risque municipal.

Deuxième réflexion. Les interventions publiques effectuées depuis l’automne 2008 (c’est-à-dire 1000 milliards de dollars du plan Obama aux États-Unis et 1700 milliards d’euros d’interventions publiques européennes au profit de banques), elles n’ont pas produit les effets espérés. Au contraire, les interventions ont empêché au système financier de caler, mais pas de décélérer. Cette crise a longtemps été sous-estimée, aussi niée, méconnue, cantonnée avec embarras. Tout le monde a entendu parler de la crise des subprimes pour la première fois dans le mois de juillet 2007, mais déjà au mois de septembre de la même année, le marché interbancaire était dans une préoccupante anxiété cardiaque. Pourquoi,alors, les premières interventions de correction ont-elles été effectuées quinze mois après, c’est-à-dire au mois d’octobre 2008 ?

Troisième constat. Ce qui a disparu… au-delà de l’argent, c’est la confiance et celle-ci ne reviendra pas si la communauté internationale n’applique pas de nouvelles règles à la finance. La responsabilité de cette crise est de l’entière communauté occidentale. La réponse devra donc être nouvelle et unique. Le sommet de Londres a également décidé de se réunir à nouveau, probablement à la fin du mois de septembre à New York pour une évaluation de tout ce qu’on a décidé. Dernière réflexion, trop dure à dire, mais nécessaire : la crise économique est loin d’être finie.

Antonio Torrenzano.

 

 

* Dans l’image President Barack Obama and Treasury Secretary Timothy Geithner take part in a round table meeting in London on April 2, 2009 during the G20 summit.

 

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Conversation avec Amartya Sen, économiste,prix Nobel pour l’économie en 1998pour ses travaux sur la famine, sur la théorie du développement humain, sur l’économie du bien-être, sur les mécanismes fondamentaux de la pauvreté et sur le libéralisme politique. De 1998 à 2004, il a été directeur et professeur à l’université de Cambridge devenant ainsi le premier universitaire asiatique à diriger un des collèges de l’université. Amartya Sen est aussi partie prenante dans le débat sur la mondialisation. Il est le président honoraire de l’ONG Oxfam. Parmi ses nombreuses contributions sur l’économie du développement, Amartya Sen a fait des études sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Il est aujourd’hui professeur à l’université américaine Harvard. Auteur de nombreux essais, livres traduits en plus de trente langues, dont «L’économie est une science morale?», Paris, La Découverte, 2004; «Rationalité et liberté en économie», Paris,Odile Jacob, 2005; «La Démocratie des autres : pourquoi la liberté n’est pas une invention de l’Occident», Paris, Payot, 2005;«L’Inde. Histoire, culture et identité» et «Identité et violence», toujours aux éditions Odile Jacob, Paris, 2007. Le dialogue avec le prix Nobel a eu lieu à Milan pendant les journées d’étude sur l’économie coopérative, au mois de février 2009.

Antonio Torrenzano. J’aimerais commercer ce dialogue avec vous en discutant sur les différents facteurs qu’ils ont donnés lieu à la crise économique.

Amartya Sen. Nous avons eu différentes situations qui se sont mélangées entre elles. Une crise alimentaire ravageuse qui a frappé les pays en voie de développement par l’augmentation des prix des matières premières. À cette crise s’est ajoutée la crise pétrolifère avec l’augmentation vertigineuse des prix et enfin la crise financière qui a porté la communauté internationale à la récession mondiale. Les analystes se sont aperçus de tout ceci, seulement quand les bourses financières et les banques commerciales ont été frappées,mais les problèmes persistaient depuis longtemps. Aujourd’hui sur la crise économique, il pèse aussi la confiance des citoyens: facteur fondamental pour faire fonctionner l’économie et la société de marché.

Antonio Torrenzano. Est-ce que la société occidentale a vécu sur l’illusion de l’autocontrôle des marchés ?

Amartya Sen. Oui, le monde occidental a vécu sur l’illusion de l’autocontrôle des marchés. En réduisant la surveillance et le rôle de la vigilance sur la finance, surtout aux États-Unis, on a construit une bombe à l’horlogerie prête à éclater et tout ceci, il est arrivé de manière définitive au mois de septembre 2008. La communauté internationale se trouve à présent avec l’obligation de réécrire de nouvelles règles, car il ne s’agit plus d’un simple cours cyclique de récession économique. La leçon d’un des pères fondateurs de l’économie, Adam Smith, elle a été oubliée. Smith, il avait écrit, presque il y a 250 ans, la «Théorie des sentiments moraux». Dans cette théorie, l’économiste soutenait que le marché pur, il n’est pas l’optimum d’excellence et il faut se préoccuper, en même temps, des désavantagés et des pauvres. Alan Greenspan, l’ancien gouverneur de la Federal Reserve des États-Unis, aurait dû réfléchir en relisant la théorie d’Adam Smith. Le marché a besoin de confiance réciproque et pas d’excès dans la recherche du profit. Le seul système ne peut pas atteindre de résultat excellent. Il faut, au contraire, reconnaître le rôle qui a toujours eu l’institution publique de surveillance du marché

Antonio Torrenzano. Un nouveau système capitaliste?

Amartya Sen. Je dois dire que je suis très sceptique quand j’entends parler de nouveau capitalisme. En réalité, je ne sais pas combien d’utilité a aujourd’hui le terme capitalisme. Je crois que nous avons la nécessité d’un nouvel équilibre entre institutions financières et comme les institutions internationales pourront garantir ce nouvel équilibre économique fondé sur principes d’équité et redistribution de la richesse vers tous. Pour faire tout ça, la communauté internationale a besoin de se poser encore une fois la question sur l’utilité d’une démocratie globale. La communauté internationale doit maintenant s’interroger et ne plus retarder ses choix de décisions historiques. Réponses claires sur le sujet de l’équitable distribution de la richesse. L’économie de marché dépend, en outre, d’expectatives psychologiques. Il y a donc besoin de confiance et de nouvelles et certaines perspectives.

Antonio Torrenzano. Qu’est-ce que vous pensez de l’économie coopérative et du secteur no profit?

Amartya Sen. L’économie coopérative est née d’une situation de crise en Italie aux débuts de 1900 par Camillo Prampolini. Elle servait pour donner de réponses aux besoins des individus plus pauvres de la population dans ce pays. Le secteur no profit a aidé, développé, donné de la confiance dans ces dernières années à tous les individus qui avaient été mis aux marges du système de marché et du libéralisme. Ce modèle fonde sa force sur le dialogue, sur la relation, sur une redistribution équitable de la richesse. L’économie de marché à présent devrait apprendre cette règle fondamentale du secteur économique sans but lucratif. Aujourd’hui, une collaboration constructive est la priorité de laquelle partir.

Antonio Torrenzano

 

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Le sommet du G20 se déroulera à l’Excel Centre, au coeur des Docklands, dans l’est de Londres. Les objectifs sont très hauts. Assurer la reprise économique mondiale pour ce qui concerne la croissance et l’emploi; dessiner les contours d’un système financier renforcé en s’appuyant sur le plan d’action de Washington; convenir des principes et un processus d’une réforme des institutions financières internationales. L’accord final devrait parvenir à édifier des actions coordonnées pour relancer l’économie mondiale et la réforme de systèmes financiers afin de progresser dans la mise en œuvre des lignes d’action de Washington prises au mois de novembre 2008.

Au Sommet, les chefs d’État et de gouvernement des principales économies du monde, ainsi que les responsables des grandes institutions économiques, ils discuteront encore sur les principes d’une réforme des institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international (FMI), le Forum sur la stabilité financière (FSF) et la Banque mondiale.

L’agglomération urbaine de Londres est devenue blindée. La police s’attend que la City (le quartier financier de Londres) située dans le centre, autant que l’Excel Centre, ils attireront particulièrement l’attention de nombreux manifestants. Nombreuses banques du quartier financier, elles ont préféré par exemple accorder trois jours de repos à leurs employés; d’autres ont invité leurs cadres à s’habiller de manière décontractée pour ne pas attirer l’attention en venant travailler. Les attentes placées en cette réunion du G20 sont gigantesques et les problèmes ne manquent pas. Le sommet devra donc trouver une nouvelle vision du monde dans l’urgence.

Antonio Torrenzano

 

* Un spécial remerciement à l’artiste et dessinateur de presse Patrick Chappatte pour l’illustration. 

 

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Conversation avec Giulio Tremonti, professeur de droit fiscal à l’université de Pavie, avocat , il a été visiting professor auprès de l’Institute Comparative Law à l’université d’Oxford. Ministre de l’Économie et des Finances dans l’actuel gouvernement italien , il dirige la branche italienne de l’Institut Aspen. Directeur de la revue italienne de droit fiscal et de science des finances, il est auteur de nombreux essais, dont «Il fantasma della povertà»,Milan, aux éditions Mondadori, 1995; «Lo Stato criminogeno», Roma, éditions Laterza, 1998; «Rischi fatali. L’Europa vecchia, la Cina, il mercatismo suicida: come reagire», Milan, éditions Mondadori,2005; «La paura e la speranza. Europa: la crisi globale che si avvicina e la via per superarla», Milan, 2008. L’entretien a eu lieu à Rome, à la fin du mois de mars 2009.

Antonio Torrenzano. La tourmente financière mondiale continue de causer des dégâts à travers le monde.Comment expliquez-vous la crise globale ?

Giulio Tremonti. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que nous sommes comme dans un jeu vidéo. Chaque moment que nous abattons un monstre, nous croyons avoir gagné, mais un deuxième monstre plus fort resurgit. Dans ce moment, dans notre jeu vidéo, nous avons à présent presque six monstres: les sub-primes, l’effondrement du crédit, la faillite des grandes institutions financières, l’effondrement de marchés financiers, une récession économique.

Antonio Torrenzano. Professeur Tremonti, quand vous étiez en train de répondre, j’ai compté cinq monstres… le sixième ?

Giulio Tremonti. J’ai oublié l’ensemble des produits dérivés, dont l’encours représente douze fois le PIB mondial et que personne n’est en mesure de cerner précisément. Au cours de la dernière décennie, la mondialisation a entrainé une dégénérescence du capitalisme. L’ancien capitalisme était basé sur un type idéal d’entreprises; aujourd’hui, en revanche, le coeur du capitalisme mondial n’est plus dans les mains de ces entreprises, mais dans celles des fonds d’investissement. Une fois, la gestion des entreprises reposait sur deux piliers : le bilan et le compte de résultat. Dans ces dernières années, au contraire, tout le monde s’était focalisé sur le résultat en oubliant la valeur patrimoniale telle qu’elle s’exprime dans le bilan d’une entité. Or la valeur patrimoniale est essentielle dans une perspective de long terme.

Antonio Torrenzano. La mondialisation a produit donc un marché unique avec toutes ses limites.

Giulio Tremonti. La globalisation a produit un marché mondial unique, mais les juridictions sont restées différentes et nationales. Nombreux sont les endroits où les réglementations restent théoriques et sans que personne ne les respecte.

Antonio Torrenzano. Le G8 est-il encore représentatif ?

Giulio Tremonti. Maintenant le G8 pèse seulement la moitié du PIB mondial. Il y a dix ans, le PIB du G7 représentait presque 80% de la richesse du monde. Aujourd’hui, le G8 n’est donc plus représentatif de la planète dans laquelle nous vivons. D’un autre côté, le G20 n’est pas optimal non plus. Comment, par exemple, peut-on justifier l’absence de l’Égypte et de l’Espagne dans cette nouvelle institution internationale ? En qualité de ministre du Gouvernement italien, nous sommes ouverts à toute solution qui élargit le G8 à la nouvelle situation internationale. Mais, pour nous, la chose plus importante, c’est surtout d’avancer sur le fond de problèmes. Le siècle passé était fondé sur le capitalisme originel, il faut que ce siècle fonctionne sur de nouveaux standards juridiques. Cela signifie que c’est la loi qui transmet les valeurs éthiques vers l’économie.

Antonio Torrenzano