Quand la révolution numérique n’est plus virtuelle… Conversation avec Manuel Castells, université de Berkeley.

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Conversation avec Manuel Castells, écrivain, sociologue, professeur de sociologie et de planification urbaine et régionale depuis 1979 près de l’université de Berkeley en Californie. Il quitte l’Espagne à 20 ans, pour cause d’activisme antifranquiste, et il étudie en France la sociologie et l’urbanisme. Il développe dans ses travaux, notamment The Urban Question: a Marxist Approach et The City and the Grassroots, une approche structuraliste des formes urbaines et des relations entre l’économie, le social et les structures spatiales. Il s’est particulièrement intéressé au rôle de l’État en tant que régulateur des crises urbaines. Entre 1967 et 1979, il enseigne à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris, avant de rejoindre Berkeley. Il s’intéresse alors à la Silicon Valley et la société de l’information. Il en devient un spécialiste reconnu avec sa trilogie consacrée à « L’ère de l’information » qui met particulièrement en évidence les transformations de la société par le développement des réseaux et la convergence numérique. Il est également directeur de recherche à l’Internet Interdisciplinary Institute de Barcelone, université virtuelle mondiale. Auteur de nombreux essais publiés dans plusieurs langues étrangères, dont « L’ère de l’information. Vol. 1. La société en réseaux », Paris, éditions Fayard, 1998 ; « L’ère de l’information. Vol. 2. Le pouvoir de l’identité », Paris, Fayard, 1999; « L’ère de l’information. Vol. 3. Fin de millénaire », Paris, Fayard, 1999; « Dans quel monde vivons-nous ? Le travail, la famille et le lien social à l’ère de l’information », en collaboration avec Martin Carnoy et Paul Chemla, 2001; « La Galaxie Internet », 2002. Le dialogue a eu lieu dans la ville de Milan auprès de l’université Milano Bicocca au mois de mai 2009.

Antonio Torrenzano. La diffusion dans nos sociétés de la convergence numérique a connu donc dans la première décennie du XXI siècle une vitesse sans précédent. Selon le philosophe français Paul Virilio, cette augmentation de la vitesse de la réalité a produit, en même temps, de plus grandes vulnérabilités et instabilités de la société même. Est-ce qu’il est ainsi aussi pour vous ?

Manuel Castells. Le réseau internet est dans une phase de transition. Je considère le réseau net comme l’équivalent de l’électricité dans l’ancienne ère industrielle. La toile est désormais à la base du networking : la forme d’organisation plus importante de notre société. L’essence même de notre présent, de la politique, de la guerre, du travail, des relations sociales, des actions militaires, du mouvement altermondialiste jusqu’au terrorisme international. Le réseau internet, cependant, ne résout pas les problèmes de la société, mais il les exprime et il les amplifie en rendant plus vulnérables les gouvernements, mais pas la société. Je trouve alors que la thèse de Paul Virilio on peut la partager seulement si nous pensons que la vulnérabilité de la société dépend de celle des gouvernements.

Antonio Torrenzano. Comment, selon vous, la Toile peut-elle influer sur la politique des gouvernements et des États ?

Manuel Castells. La particulière situation internationale que nous sommes en train de vivre, elle a aiguisé la pression des gouvernements sur le web. Depuis les origines du réseau net, les gouvernements, de droite et de gauche sans aucune distinction, ils l’ont considéré comme une grande menace. Les gouvernements effrayés par l’incapacité d’une vérification centralisée de la Toile, ils ont développé celle que j’appelle «China syndrome». Je pense, au contraire, qu’il faudra seulement trouver les nouvelles modalités appropriées pour les appliquer au Réseau sans aucun besoin de législations exceptionnelles.

Antonio Torrenzano. Dans votre dernier essai, vous écrivez que dans cette ère numérique les batailles culturelles elles sont en réalité de batailles pour le pouvoir. Qu’est-ce que vous entendez pour batailles pour le pouvoir ?

Manuel Castells. Dans mon dernier essai, j’affirme que les campagnes culturelles produites par le réseau internet, elles sont des combats en termes de valeurs. Je vous fais un exemple : si je donne de la valeur à la protection de l’environnement plus qu’aux consommations matérielles, je produis par mon blog des pressions sur les usines et sur les gouvernements afin qu’ils puissent modifier le modèle de croissance économique dans cette orientation. Si ma valeur est l’argent, alors je me concentrerai sur la production de la richesse, mais aujourd’hui pour produire du nouveau profit sur la Toile j’aurai besoin d’une nouvelle innovation et de nouvelles idées fondées sur les valeurs. Puisque notre société désormais est basée sur la prise de décisions fondées sur l’information, le changement des catégories culturelles sur lequel ces informations sont développées change les décisions et il modifie les relations entre le pouvoir et la société.

Antonio Torrenzano

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