Syrie : une économie en chute libre.

Depuis 2011, la Syrie est plongée dans une guerre civile qui a fait plus de 470.000 morts. Cette situation a fait de la Syrie le pire cas de crise humanitaire au monde. Plus de 11,5% de la population syrienne a été tuée ou blessée à la suite du conflit dans le pays. Alors qu’un Syrien pouvait espérer vivre 70,5 ans en 2010, son espérance de vie a reculé à 55 ans en 2016. Cette mesure reflète les conditions de vie qui se sont fortement détériorées en six ans, ainsi que l’état catastrophique des services de santé.

Depuis l’année 2015, environ 45% de la population syrienne a été délogée, à la recherche de davantage de sécurité et de meilleures conditions de vie. Plus de 6 millions de Syriens sont déplacés à l’intérieur du pays, tandis que plus de 3 millions d’habitants ont fui la Syrie en direction de l’Europe et d’autres Pays du Proche-Orient. Dans quelle mesure les effets économiques de la guerre régionale marquent-ils la vie du Pays et de sa population ?

Au début du conflit en 2011, selon le rapport 2015 de la Banque mondiale, les réserves du gouvernement s’élevaient à 18 milliards de dollars, mais à la fin 2015, elles avaient baissé à 70 millions de dollars. Une autre étude de Banque Mondiale prévoyait qu’entre 2016 et 2019, l’économie syrienne serait diminuée chaque année de 3,9%, en revenant ainsi à son niveau des années 1990 quand elle était fortement dépendante des investissements russes, libanais et iraniens. «La guerre a détruit l’économie et mis fin aux investissements publics, l’import est du coup le seul secteur qui permet encore aux grands entrepreneurs syriens de faire des bénéfices importants », note Jihad Yazigi, journaliste économique syrien.

Plusieurs rapports macro-économiques des Nations Unies soulignent que les pertes cumulées de l’économie syrienne entre 2011 et 2015 sont estimées à 259,6 milliards de dollars. Le PIB s’est contracté de 55% entre 2010 et 2015. Les pertes se sont nettement accélérées entre 2012 et 2013, au moment de l’intensification des combats. Cette période coïnciderait de même avec le début des sanctions économiques, imposées par les pays occidentaux. Parmi les secteurs les plus touchés figurent le commerce intérieur, les services gouvernementaux et le secteur minier.

Le taux de chômage de la population active en Syrie est passé de 14,9% en 2011 à 58% au premier semestre 2016. Quelque 2,91 millions de personnes sont sans emploi, dont 2,7 millions qui ont perdu leur emploi durant le conflit. La note tragique est qu’environ 17% de la population syrienne travaille dans l’économie de la guerre,

L’indice des prix à la consommation, qui est le paramètre de mesure de l’inflation, est l’un des seuls indicateurs encore publiés, chaque mois, par le Bureau syrien des statistiques. L’Indice des prix à la consommation a été multiplié par 5 entre 2010 et 2016. Ceci expliquerait les pénuries d’approvisionnement de nourriture et de médicaments. L’économie syrienne est de plus en plus dépendante des importations puisque certains secteurs se sont complètement effondrés. Alors que l’économie du pays est en récession, plus de 85% des Syriens vivent dans la pauvreté. Près de 70% sont en situation de pauvreté extrême, selon l’ONU.

De manière générale, plus de deux tiers des Syriens ne peuvent pas obtenir la nourriture et d’autres articles nécessaires à leur survie. Le niveau de pauvreté diffère toutefois de manière importante selon les régions du pays, les provinces les plus touchées par la violence sont les plus pauvres.

Selon plusieurs mémorandums des Nations Unies, l’avenir des enfants serait fortement compromis. Plus de 45% des enfants en âge d’être scolarisés ne vont plus à l’école en 2016. Plusieurs facteurs expliqueraient la déscolarisation des enfants syriens, notamment la peur des parents pour la sécurité de leurs enfants, le travail des mineurs au marché noir et la destruction du système éducatif syrien. Le Proche-Orient s’est transformé en un vaste territoire de violence, matérielle et symbolique à la fois. Quel espace resterait-il alors pour la paix et l’avenir ?

Antonio Torrenzano

Bibliographie électronique:

1. Survey of Economic and Social Developments in the Arab Region 2016-2017 Summary. https://www.unescwa.org/publications/summary-survey-economic-social-development-arab-region-2016-2017

2. Bulletin of Industrial Statistics for Arab Countries, 9th issue, 2017. https://www.unescwa.org/publications/bulletin-industrial-statistics-arab-countries-ninth-issue

3. Arab Governance Report II: Governance and Institutional Transformations in Conflict-affected Arab Countries, 2016. https://www.unescwa.org/publications/arab-governance-Report-2016

4. Demographic Profile of the Arab Region: Realizing the Demographic Dividend,2016. https://www.unescwa.org/publications/demographic-profile-arab-region-2015

5. Survey of Economic and Social Developments in the Arab Region 2015-2016. https://www.unescwa.org/publications/survey-economic-social-development-arab-region-2015-2016

6. Bulletin of Industrial Statistics for Arab Countries 2006-2012, No. 8, 2015. https://www.unescwa.org/publications/bulletin-industrial-statistics-arab-countries-eighth-issue

7. Conflict in the Syrian Arab Republic: Macroeconomic Implications and Obstacles to Achieving the Millennium Development Goals, 2014. https://www.unescwa.org/publications/conflict-syria-macroeconomic-implications-obstacles-achieving

8. Assessing the Impact of the Conflict on the Syrian Economy and Looking Beyond, 2014. https://www.unescwa.org/publications/assessing-economic-implications-crisis-after-two-years-conflict-beyond