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Depuis huit ans, la Syrie bascule encore dans un conflit sanglant et une tragédie humaine aux dimensions colossales. Déclenché en 2011 par la répression de manifestations pacifiques par le régime de Bachar el-Assad, le conflit syrien s’est accentué au fil des années avec l’implication de pays étrangers et de groupes djihadistes. Le conflit syrien a également provoqué «la plus grande crise humanitaire que le monde ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale», selon l’expression-choc des Nations Unies.

En huit ans, le conflit a fait plus de 380.000 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Le conflit a également fait 6,1 millions de déplacés à l’intérieur de Syrie et 5,6 millions de réfugiés dans les pays voisins surtout au Liban, en Jordanie, en Irak et en Turquie selon les données statistiques du HCR. Mais, il faudra de même recenser les centaines de milliers de Syriens qui ont afflué en Europe fuyant la guerre. À ce terrible bilan humain, il y a pareillement la désastreuse situation économique du pays. Dans un ancien rapport financier de 2017 sur la Syrie, la Banque Mondiale estimait que le coût des pertes dues à la guerre était 226 milliards de dollars (183 milliards d’euros), c’est-à-dire l’équivalent de quatre fois du produit intérieur brut (PIB) d’avant le conflit. Selon le même organisme économique international, le conflit aurait fait revenir trois décennies en arrière l’économie syrienne. Sur le terrain, la situation humanitaire demeure ordinairement complexe.

Pour la plupart des familles syriennes, le cauchemar des bombardements et des coups de feu incessants est terminé. Le gouvernement a repris le contrôle d’une bonne partie du pays, sauf pour ce qui est d’un dernier bastion de l’opposition autour d’Idlib. Ceux qui ont d’une manière ou d’une autre survécu aux obus et aux snipers doivent à présent survivre dans une paix incertaine. La ville d’Alep est par exemple un tas de ruines et il faudra au moins une génération pour la reconstruire. La ville qui détenait en son sein l’un des plus fabuleux bazars de la Route de la soie est maintenant exempte de couleurs. Une route réduite kilomètre après kilomètre en miettes de ciment gris.

Le chef de l’humanitaire des Nations Unies, Mark Lowcock, a prévenu le Conseil de sécurité de l’ONU que des millions de Syriens vivant sous des tentes ou dans des bâtiments dévastés par la guerre ils ont besoin d’assistance. Avec les munitions non explosées qui jonchent encore le sol, seules les rues principales sont sûres, en particulier dans les zones à l’est, qui ont le plus payé le tribut des bombardements. L’ONU considère que la situation est trop risquée pour un retour chez eux des réfugiés. Dans toute la Syrie, trois écoles sur dix et la moitié des centres de soins sont fermés. Huit ans après le début du conflit syrien, le secrétaire général Antonio Guterres a lancé un appel urgent à tous les acteurs du conflit.

Tout d’abord, respecter leurs engagements et l’accord de cessez-le-feu conclu sur Idlib. «Les opérations de lutte contre le terrorisme ne peuvent pas outrepasser la responsabilité de protéger les civils. Un cessez-le-feu à Idlib est une étape nécessaire pour ouvrir la voie à un cessez-le-feu à l’échelle nationale», a-t-il dit. Le secrétaire général a ensuite souligné que quelconque opération militaire envisagée, planifiée ou exécutée par un acteur doit pleinement respecter le droit international humanitaire et faire en sorte que les droits de l’homme soient protégés. «Des civils innocents, en majorité des femmes et des enfants, ont payé le prix fort dans ce conflit en raison du mépris flagrant du droit international humanitaire et des droits de l’homme», a-t-il déploré.

Le chef de l’ONU a également appelé à tous les acteurs de la guerre à garantir un accès humanitaire durable en Syrie alors que 11,7 millions de personnes ont besoin de protection et d’assistance. Le secrétaire des Nations Unies a enfin réitéré son soutien entier au nouvel envoyé spécial, Geir Pedersen, pour faciliter un processus de paix et politique dirigé et contrôlé par les Syriens afin de mettre en œuvre la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité et le communiqué de Genève de juin 2012.

Pour le chef de l’ONU, la communauté internationale a «l’obligation morale et l’impératif politique» d’encourager les Syriens à s’unir autour d’une vision commune pour leur avenir. Un avenir «qui protège les civils, allège les souffrances, prévient la poursuite de l’instabilité, s’attaque aux causes profondes du conflit et crée enfin une solution négociée crédible», a-t-il dit. En Syrie, toutefois, après huit ans de guerre, la situation reste une catastrophe très compliquée.

Antonio Torrenzano

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Le nouvel Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie espère reprendre dès que possible le processus politique de paix et mettre fin à huit ans de conflit dans ce pays. Geir Pedersern, qui a pris ses fonctions en janvier 2019, est le quatrième médiateur de l’ONU depuis le déclenchement du conflit en 2011. Lors de sa rencontre avec la presse au Palais des Nations, il a exposé son désir de poursuivre les acquis de son prédécesseur, l’Italien Staffan de Mistura, notamment concernant la mobilisation de la société civile, condition selon lui, pour arriver à terme à une paix durable. « J’espère évidemment que nous serons en mesure de réunir dès que possible le Comité constitutionnel à Genève », a déclaré Geir Pedersen, lors de sa première rencontre avec la presse ce vendredi à Genève. « Je considère le Comité constitutionnel comme une ouverture potentielle au processus politique, mais parallèlement, nous devons également travailler sur d’autres questions. Et j’espère pouvoir en discuter plus en détail avec les différentes parties syriennes, ce qui pourra contribuer à l’instauration de la confiance », a-t-il affirmé. «Je souhaite rencontrer un segment aussi large que possible de la population syrienne, notamment la société civile syrienne bien entendu – vous savez également combien il est important de rencontrer des femmes et de continuer à mettre l’accent sur l’aspect genre de la crise », a-t-il dit.

«Je pense que mon travail restera évidemment très difficile. Je m’efforcerai de combler les écarts très importants », a-t-il dit, tout en indiquant souhaiter «d’être un médiateur impartial, prudent et ciblé, qui traite directement avec toutes les parties et qui peut résoudre les problèmes qui ont rendu les progrès si difficiles à réaliser jusqu’à présent ». Le diplomate norvégien a insisté sur le fait qu’il n’y a qu’une solution négociée possible en Syrie et que, dans le cas d’une solution négociée, « il est évident que les deux parties devront s’asseoir ensemble et entamer de véritables négociations ».

Sur le terrain, il y a eu une décroissance générale des hostilités, mais les violations généralisées et l’anarchie représentent encore une dure réalité pour les civils et pour les réfugiés qui pensent revenir chez eux. Les avancées des forces progouvernementales et l’accord entre la Russie et la Turquie pour une zone démilitarisée dans la région d’Idlib ont contribué à une baisse des affrontements, mais la situation reste critique.

Selon la Commission d’enquête des Nations Unies sur les violations des droits humains et les crimes de guerre en Syrie, entre juillet 2018 et janvier 2019, d’intenses combats se sont poursuivis dans le nord-ouest et l’est de la Syrie et la population civile a été la plus touchée. Les derniers combats ont été caractérisés par de nouveaux crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, notamment avec des attaques indiscriminées, des pillages et des persécutions, y compris par des groupes armés. «Avant tout, les hostilités se poursuivent sans un grand respect des lois de la guerre, des droits de l’homme ou d’un sentiment de compassion envers ceux qui en subissent les effets», a déclaré le président de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, Paulo Pinheiro. «Les attaques menées par les forces progouvernementales à Idlib et dans l’ouest d’Alep, ainsi que par les forces démocratiques syriennes et la coalition internationale à Deir ez-Zor, continuent de faire de nombreuses victimes civiles». Dans le mémorandum de 20 pages, publiés aujourd’hui, la Commission d’enquête a souligné les effets néfastes des hostilités encore en cours et des violations qui en résultent, sur le retour en toute sécurité et durable de millions de personnes déplacées et de réfugiés.

«Les violations continues commises par tous les acteurs du conflit, associés à la destruction d’infrastructures essentielles, au manque de prestation de services efficace et de documentation civile, ont créé des conditions rendant totalement illusoire la possibilité d’un retour sûr et durable », a déclaré la commissaire Karen AbuZayd.

Antonio Torrenzano

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Geir Pedersen, nouvel envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, a pris ses fonctions lundi 7 janvier 2019. Le diplomate norvégien âgé de soixante-trois ans avait été précédemment l’ambassadeur de Norvège en République populaire de Chine. Le nouvel envoyé s’est dit honoré d’assumer des fonctions au service du peuple syrien et de ses aspirations à la paix.

Geir Pedersen a été Représentant de la Norvège auprès de l’Autorité palestinienne (1998 à 2003),représentant personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Liban du Sud (2005-2007), Coordonnateur spécial pour le Liban (2007-2008) et représentant permanent de son pays auprès des Nations unies à New York de 2012 à 2017. La feuille de route de Geir Pedersen aura comme but, comme le même indique, d’oeuvrer en faveur d’une solution pacifique et de la mise en oeuvre de la résolution RCS2254 : plan de paix des Nations Unies pour la Syrie1. Le diplomate norvégien succède à Staffan de Mistura et il est le quatrième médiateur des Nations Unies depuis le début du conflit syrien en 2011. Le nouvel émissaire de l’ONU est arrivé, ce mardi, à Damas, pour sa première visite dans le pays depuis sa nomination à ce poste. Le voyage du médiateur onusien intervient alors que sur le terrain, l’UNICEF a annoncé qu’au moins 15 enfants ont perdu la vie en Syrie en raison du froid hivernal et du manque de traitements médicaux.

Mais, «outre les femmes et les enfants, de nombreuses personnes âgées sont à risque», a déclaré Andrej Mahecic, porte-parole du HCR, lors d’un point de presse à Genève. Selon le HCR, les récents combats dans l’est de la Syrie ont également produit des déplacements à grande échelle entre la population civile. Au cours des six derniers mois, des affrontements et des frappes aériennes dans le sud-est du gouvernorat de Deir-ez-Zor ont forcé environ 25.000 personnes à fuir. «Nous sommes inquiets du sort des civils qui continuent d’être bloqués dans les zones contrôlées par l’État islamique», a ajouté Andrej Mahecic. Les familles déplacées qui se rendent au camp d’Al Hol, dans le nord-est de la Syrie, ont indiqué au personnel du Haut Commisariat pour les Réfugiés que les civils qui tentent de fuir font face à de nombreuses difficultés et de dangereux obstacles pour quitter la zone de conflit.

Dans ces conditions, le Haut Commisariat est en train d’appeler toutes les acteurs du conflit, ainsi que toutes les personnes qui ont une influence sur les belligérants, à garantir la liberté de circulation et la sécurité du passage. La majorité des personnes récemment déplacées ont cherché refuge au camp d’Al Hol. Plus de 8.500 personnes se sont installées au camp d’Al Hol au cours des cinq dernières semaines. Par ailleurs, dans le gouvernorat de Hassakeh, le camp de fortune d’Al-Areesha, qui abritait environ 10.000 déplacés, a été touché par la crue des eaux d’un réservoir tout proche. Plus des deux tiers du camp sont sous l’eau. Les résidents s’installent dans les zones les plus élevées du camp.Au Liban voisin, la tempête Norma a affecté cette semaine les communautés libanaises et réfugiées.

Près de huit ans après le début de la guerre civile, la population syrienne reste partagée entre espoir et inquiétudes : les combats perdent en intensité dans certaines régions du pays, mais la guerre est loin d’être terminée.

Antonio Torrenzano

 

 

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L’émissaire des Nations Unies pour la Syrie Staffan de Mistura quittera son poste à la fin novembre. Après quatre ans et quatre mois de tentatives infructueux pour mettre fin au conflit, Staffan de Mistura a choisi pour des «raisons purement personnelles» de quitter son poste. Une solution politique à l’inextricable conflit syrien reste dans ces conditions très faible.

Stafan de Mistura avait succédé en 2014 à Lakhdar Brahimi. Le diplomate italo-suédois âgé de 71 ans a été le troisième diplomate à avoir occupé ce poste pendant le conflit en Syrie qui dure depuis plus de sept ans. Ses prédécesseurs ont été l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et le diplomate Algérien Lakhdar Brahimi. Le représentant de l’ONU sera reçu une dernière fois à Damas la semaine prochaine; la rencontre devrait avoir pour objet le début des travaux du Comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution syrienne. Ce Comité, dont la création avait été décidée en janvier 2018 lors d’une réunion à Sotchi, devrait travailler sur une réforme juridique des lois fondamentales qui détermineraient l’organisation et les fonctions du nouveau gouvernement syrien.

Les Nations Unies considèrent que dans ce processus subsiste un élément clé pour trouver une solution politique au conflit. À ce jour, et après trois révisions, une liste de 50 noms de personnalités a été publiée pour faire partie de ce comité constitutionnel «impartial, équilibré et inclusif », a souligné Staffan de Mistura dans un exposé devant membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Les Nations Unies ont en outre veillé à ce que tous les religions, groupes claniques et ethnies soient représentés. Au titre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, l’ONU a également insisté pour que la liste compte un minimum de 30% de femmes.

Staffan de Mistura restitue son mandat d’émissaire pour le dossier syrien au moment où la destinée de la province d’Idlib, le dernier bastion aux mains des insurgés et des djihadistes, est suspendue à un fragile accord de cessez-le-feu dicté par Moscou avec le concours de la Turquie. Dans cette dernière étape, l’ONU n’aura été que spectatrice de cet arrangement politique, dont l’avenir dira s’il offre des solutions réelles.

Antonio Torrenzano

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Le responsable humanitaire des Nations Unies en Syrie, Ali al-Zatari, a appelé tous les acteurs du conflit à permettre l’accès à l’assistance humanitaire onusienne à toutes les personnes se trouvant dans une situation de besoin à l’intérieur du pays. Depuis mars 2011, la Syrie est en proie à un conflit qui a forcé plus de la moitié de sa population à fuir. Des millions de Syriens ont quitté leur pays et des millions d’autres sont déplacés à l’intérieur du territoire. Au Proche-Orient, il y a actuellement 5,6 millions de réfugiés syriens qui demeurent dans d’autres pays de la région en raison du conflit.

« La Syrie traverse encore une grave crise humanitaire et cette gravité concerne environ 13 millions d’individus syriens et de réfugiés », a dit le haut fonctionnaire. Ali al-Zatari a en outre affirmé que le taux de pauvreté et le taux de chômage restent encore élevés en Syrie, en soulignant toutefois que, même si la vie quotidienne a repris son déroulement dans certaines régions du pays, comme dans la Capitale Damas, cette tendance ne reflète pas toutefois la situation générale du pays.

« Il n’y a plus d’affrontements armés et d’obus tombant sur les toits et les personnes dans de nombreuses villes et territoires, mais dans d’autres régions, cette menace existe toujours et les gens sont toujours effrayés pour leur insécurité », a -t-il dit.

En ce qui concerne la situation militaire sur le terrain, le ministre des Affaires étrangères de la Syrie, Walid Al-Moualem, a déclaré à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies que son pays a pratiquement gagné sa guerre contre les groupes terroristes sur le territoire. Selon Walid Al-Moualem, « la situation sur le territoire est plus sûre et plus stable, et le conflit contre le terrorisme est presque terminé ». Dans son discours, Walid Al-Moualem a averti que la lutte se poursuivra jusqu’à ce que tout le territoire syrien soit « épuré de groupes terroristes » et de toute présence étrangère illégale.

Le ministre des Affaires étrangères a en outre souligné que le gouvernement est en train de restaurer les zones détruites par les terroristes. Toutes les conditions seraient désormais réunies pour un retour volontaire de réfugiés syriens dans leur pays et la reconstruction économique du pays.

En ce qui concerne les questions économiques, Walid Al-Moualem a dit de même que son pays est ouvert à l’assistance internationale pour la reconstruction de la Syrie, mais avec les pays qui n’ont pas pris part à l’agression contre son pays. Les pays qui ont soutenu au contraire le terrorisme ne seront pas les bienvenus. Il a déclaré enfin que son gouvernement reste engagé pour un processus politique sans la compromission des principes nationaux en rappelant que les principaux points de repère du futur comité constitutionnel seront uniquement de revoir les articles de la Constitution actuelle.

Antonio Torrenzano

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Sept ans de guerre, plus de 365 000 morts, des millions de déplacés, de réfugiés dans d’autres Pays, mais pas encore le signe d’une paix durable à l’horizon en Syrie. Sur le terrain, le conflit est presque gagné par le gouvernement de Damas et ses alliés, mais les solutions politiques de stabilisation du pays et même de la région restent encore une abstraction, une simple image.

Avant 2011, la province d’Idlib – 100 kilomètres sur 60, adossés à la frontière turque – comptait moins de 900 000 habitants. Aujourd’hui, ils sont près de 3 millions d’individus, regroupés de gré ou de force au fil des défaites, à demeurer dans la région. Dans cette terrible affaire, la reconquête d’Idlib, qui oppose forces syriennes et Russes, avec des milices iraniennes, aux djihadistes du Hayat Tahrir al-Cham, fait revivre toutes les réminiscences causées par les batailles d’Alep, de la Ghouta, de Raqqa, de Deraa.

Dans ces derniers jours, le spectacle de la peur des civils cernés dans l’enclave rebelle de la région d’Idlib était devenu une nouvelle fois d’illustration supplémentaire de l’échec de la diplomatie internationale dans ce conflit. « Un échec flagrant de la diplomatie et des organisations internationales, mais aussi des organisations régionales, comme la Ligue arabe. En Syrie – selon le professeur Ziad Majed – tout ce qui a été construit depuis la Seconde Guerre mondiale en matière de droits, de conventions, et de mécanismes de condamnation et de jugement sera désormais plus que jamais remis en question».

Une incapacité de la politique internationale qui peut être également analysée de manière chronologique par l’incapacité des Nations Unies à peser sur le cours des événements syrien. En août 2012, Kofi Annan est le premier à jeter l’éponge, six mois après sa désignation comme représentant spécial de l’ONU pour la Syrie. «La militarisation croissante sur le terrain et le manque d’unanimité au Conseil de sécurité – déclara l’ancien secrétaire – m’empêchent de travailler pour la paix et ils changent mon rôle». Le successeur, Lakhdar Brahimi, fin diplomate onusien, ancien constructeur de l’accord de Taëf qui mit fin à la guerre civile libanaise en 1989, fera le même. Après avoir organisé début 2014 les premières négociations directes entre gouvernement syrien et opposition politique à Genève, quelques mois plus tard Lakhdar Brahimi jettera l’éponge pour l’impossibilité de dialogue et la volonté à négocier parmi les deux acteurs.

En 2017, le troisième émissaire onusien Staffan de Mistura parviendra pour la première fois à faire accepter aux différentes parties une feuille de route, mais les pourparlers de Genève s’arrêtent sur la destinée du président Syrien Assad. Certes, la militarisation du conflit a empêché à la diplomatie internationale en Syrie de trouver de manière rapide de voies pour la paix. Milliers de combattants, de milliers de tonnes d’armes ont afflué de toutes parts sur le théâtre syrien devenu un conflit mondial. Aujourd’hui, dans ce contexte ultra morcelé, la Russie tente à son tour de traduire sa victoire militaire en succès diplomatique. Vladimir Poutin réussira-t-il dans son entreprise ?

Antonio Torrenzano

 

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Le Kremlin a signé lundi un pacte avec le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan pour créer une «zone démilitarisée» à Idleb sous contrôle russo-turc permettant d’éviter une offensive militaire dans le dernier bastion rebelle. La province d’Idleb est contrôlée à 60% par le groupe djihadiste, Hayat Tahrir al-Cham, composé notamment de l’ex-branche d’Al-Qaïda en Syrie et considéré comme un groupe terroriste par Ankara et par Moscou.

Dix jours après l’échec du sommet de Téhéran, où leurs divergences étaient apparues inconciliables, les deux chefs d’État, dont les pays sont des acteurs-clefs du conflit syrien, se sont entretenus pendant plus de quatre heures à huis clos dans la station balnéaire de Sotchi, sur la mer Noire.

«Nous avons décidé de créer le long de la ligne de contact à partir du 15 octobre de cette année une zone démilitarisée de 15-20 kilomètres de large», a déclaré le président Vladimir Poutin après la rencontre. Cette zone sera surveillée par les forces turques ainsi que par la police militaire russe, a-t-il précisé, tandis que toutes les armes lourdes devront en avoir été retirées d’ici au 10 octobre. Selon le président russe, cette négociation a été «une solution sérieuse» permettant «d’avancer dans la résolution du problème».

«Je suis convaincu qu’avec cette entente, nous avons évité qu’une grande crise humanitaire ne se produise pas à Idleb», a pour sa part déclaré Tayyip Erdogan lors de la conférence de presse qui est suivie la rencontre entre les deux chefs d’État. Même pour Ankara, les objectifs politiques recherchés par le compromis avec Moscou étaient multiples : parvenir à neutraliser le groupe Hayat Tahrir al-Cham tout en évitant le lancement d’une vaste offensive; éviter un nouvel afflux de réfugiés syriens provoqué par cette nouvelle offensive.

Téhéran a salué le pacte russo-turc de manière favorable. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Ghassemi, a assuré que l’Iran était «déterminé à résoudre la question d’Idleb de façon à ce que la population ne souffre pas et qu’il n’y ait pas de victimes».

Antonio Torrenzano

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À Idlib, au nord-est de la Syrie, les 2,5 millions de civils se préparent à une bataille imminente. L’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, a averti la communauté internationale de conséquence gravissime pour la population civile de l’opération militaire que le gouvernement de Damas s’apprêterait à lancer pour reprendre la province dans le nord-ouest du pays.

À présent à Idlib, dernière région syrienne échappant au pouvoir du régime de Damas et dernier grand bastion terroriste du pays, se trouverait une multitude de corps rebelles : le groupe Hayat Tahrir al-Cham, une branche d’Al-Qaïda, dont le chef, Abou Mohamed al-Joulani, dispose de 25 000 hommes; d’autres milliers d’islamistes regroupés au sein du Front al-Nustra et plus de 10.000 “combattants étrangers” selon les Nations Unies. Par rapport à ce nombre de rebelles, de l’autre côté, l’armée syrienne et ses 80 000 hommes. Armée du régime de Damas épaulés par son allié russe qui met à disposition des dizaines d’avions. Pour Moscou, la province d’Idlib serait un foyer du terrorisme, une enclave de rebelles modérés et d’islamistes radicaux dont le gouvernement syrien a le droit de les chasser de son territoire a réaffirmé vendredi le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.

Selon les Nations Unies, cette imminente bataille pourrait provoquer un très haut nombre de morts et plus de 800 000 personnes déplacées. Lors d’une conférence de presse à Genève, l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie a proposé d’aller à Idlib pour garantir la mise en place des couloirs humanitaires afin d’évacuer la population civile avant l’offensive imminente de l’armée syrienne. Un geste que l’envoyé spécial de l’ONU avait déjà proposé pour la ville d’Alep en 2016.

« Je suis prêt à m’engager, personnellement et physiquement […], à assurer un couloir humanitaire […] pour donner la possibilité d’évacuer la population civile vers une zone plus sûre», a dit Staffan de Mistura . « Il n’y a pas d’autre Idlib. Où peuvent-ils aller ? Chaque fois qu’il y a eu une crise […], il y avait un endroit où beaucoup pouvaient choisir de partir. Mais il n’y a pas d’autre Idlib », a notifié Staffan de Mistura. L’assistance à la population civile vivant d’Idlib est importante, car il s’agit fondamentalement des habitants syriens déplacés ou évacués d’autres zones de conflit alors que les forces gouvernementales étaient en train de poursuivre la reprise de plusieurs territoires du pays.

Dans la région d’Idlib, dans les derniers six mois, plus de 500 000 personnes seraient arrivées après avoir fui les offensives du gouvernement à Deraa, dans la Ghouta orientale et dans d’autres zones tenues par les rebelles. La proposition de Staffan de Mistura a fait en outre écho à l’appel lancé mercredi par le secrétaire général de l’ONU, qui avait proféré sa profonde préoccupation par les risques d’une nouvelle catastrophe humanitaire dans le cas d’une opération militaire à Idlib qui compte près de trois millions d’habitants et se trouve à la frontière avec la Turquie.

Antonio Torrenzano

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Le chef du groupe de l’État islamique Abou Bakr al-Baghdadi a appelé ses partisans à poursuivre le djihad dans un nouveau message diffusé mercredi 22 août sur Telegram. Dans son nouvel appel, le calife apostrophe ses adeptes à frapper les ennemis en Occident en menant de nouvelles attaques à l’explosif ou à l’arme blanche. Le dernier message sonore attribué à Abou Bakr al-Baghdadi remontait au 28 septembre 2017 dans lequel l’émir appelait ses combattants à résister en face à l’ennemi après les défaites militaires en Irak et en Syrie. Abou Bakr al-Baghdadi, donné pour décédé à plusieurs reprises, serait donc encore vivant.

La communauté internationale l’a découvert le 29 juin 2014, lorsqu’il a proclamé le califat de l’État islamique en Syrie et en Irak, lors d’une de ses rares apparitions publiques à la mosquée de Mossoul. À l’inverse de l’ancien numéro un d’al-Qaïda Oussama Ben Laden, le maître de Daech a toujours entretenu un lourd mystère autour de sa personne1. Son apparition et ses énonciations d’une demi-heure à la mosquée de Mossoul avaient déjà fait l’objet de dispositifs draconiens, comme l’a raconté un témoin à l’hebdomadaire Newsweek : « à la minute où al-Baghdadi est arrivé, le réseau mobile a été coupé. Des gardes armés ont bouclé la zone. Ils ont fermement demandé aux participants de ne saisir aucune photo ni vidéo et de ne pas quitter la mosquée une demi-heure après le départ du calife ».

Que sait-on du calife de Daech ?

La carrière de jihadiste d’Abou Bakr al-Baghdadi semblerait très rapide. En 2004, il est arrêté par l’armée américaine pour s’être rendu chez un ami recherché. Le futur émir est alors envoyé vers le Camp Bucca, lieu de détention où l’administration d’occupation américaine retenait les Irakiens suspects. Selon de nombreux témoignages d’anciens détenus, le Camp de Bucca a été une véritable académie du djihadisme. En 2006, Abou Bakr al-Baghdadi est libéré et il prend contact avec des hommes d’Al-Qaïda en Irak. Les mêmes lui suggèrent de partir à Damas. Dans la même année, il rejoint l’État islamique d’Irak qui vient d’être créé par plusieurs groupes jihadistes, dont al-Qaïda. En 2010, il en devient le chef2. Au mois d’octobre 2011, Washington le désigne d’une manière officielle comme “terroriste”, offrant une récompense de 10 millions de dollars pour avoir des indications qui pouvaient conduire à son arrêt. En 2013, l’organisation commence à participer aux combats sur le territoire syrien et change de nom pour devenir l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL). En 2014, Abou Bakr al-Baghdadi proclamant l’État islamique en Irak accède à la notoriété de la communauté internationale.

Mais on sait toujours très peu sur l’identité d’al-Baghdadi et sur sa vie privée. Selon des sources syriennes et irakiennes, la vie privée du calife qui dirige la plus sinistre des organisations terroristes de l’époque contemporaine est méconnue non seulement en Occident, mais également parmi les membres de son organisation. On sait par exemple peu de choses sur les femmes d’Abou Bakr al-Baghdadi avec lesquelles il a vécu. En 2016, une de ses femmes qui s’appelait Diane Kruger s’est enfuie. Dans le califat, Diane Kruger était la responsable de la vie quotidienne des femmes. Elle formulait les préceptes de leur comportement selon les normes de la charia et dirigeait leurs habitudes. En outre, elle veillait à ce que les femmes n’apparaissent pas en public sans être accompagnées par un homme et sans porter une tenue suffisamment humble. Le travail de Diane Kruger avait également une composante militaire: elle dirigeait un centre de formation de femmes kamikazes à Kirkouk en Irak.

Al-Baghdadi et Diane Kruger, femme d’origine allemande, se sont mariés en octobre 2015, mais on ignore à présent les causes de la discorde entre les deux individus. L’autre épouse parmi les plus connues d’al-Baghdadi a été Saja al-Dulaimi, surnommée “la calife” pour son influence dans le monde djihadiste. Le mariage, célébré en 2009, n’a duré que trois mois. Saja condamne aujourd’hui le terrorisme, mais elle a été incarcérée un an par les autorités libanaises qui la soupçonnaient d’avoir maintenu des relations avec son ex-mari.

Les neuf vies d’Abou Bakr al-Baghdadi

En juin 2017, Moscou avait communiqué d’avoir probablement tué Abou Bakr al-Baghdadi par un raid de son aviation près de Raqqa, l’ancienne capitale de DAECH en Syrie. Selon la porte-parole du Kremlin, le raid avait eu lieu à la fin du mois de mai 2017. Au mois de février 2018, au contraire, un haut responsable du Ministère de l’Intérieur irakien affirmait que le chef de Daech était encore vivant et soigné dans un hôpital de campagne dans le nord-est de la Syrie parce qu’il était blessé. À ce sujet, le directeur du service de renseignement et du contre-terrorisme irakien Abou Ali al-Basri déclarait au quotidien As Sabah (le 12 février 2018): «Nous avons des informations indubitables et des documents de sources au sein de l’organisation terroriste selon lesquelles Abou Bakr al-Baghdadi est toujours vivant et se cache dans la région de la Jaziré».

Dans la même interview, le directeur Abou Ali al-Basri déclarait en outre que le chef djihadiste souffrait « de diabète et de fractures au corps et aux jambes qui l’empêcheraient de marcher sans assistance. Ces blessures seraient dues à des raids aériens contre les fiefs de l’État islamique en Irak». Pour le service de renseignement américain, Abou Bakr al-Baghdadi pourrait se cacher probablement dans la vallée de l’Euphrate, dans l’est de la Syrie. Enfin, au mois de juillet 2018, les services de renseignement irakiens avaient annoncé que le chef de Daech avait perdu son fils Houdhayfah al-Badri, tué en Syrie par trois missiles téléguidés russes.

L’évolution de Daech : d’une structure proto-étatique à un réseau secret

Mais à présent le pari ne serait plus de localiser Abou Bakr al-Baghdadi. L’évolution de Daech d’une structure proto-étatique à un réseau secret est désormais une réalité. Comment la communauté internationale pense-t-elle agir ? Malgré la défaite en Irak et en Syrie, les finances et la richesse économique de Daech au Moyen-Orient restent encore bien consistantes. Cette richesse est devenue à présent plus difficile à détecter et à analyser maintenant que l’État islamique est devenu une organisation clandestine. Un nouveau dossier des Nations Unies sur Daech, présenté par Vladimir Voronkov devant le Conseil de sécurité, atteste qu’à présent le nombre total des combattants de l’État islamique en Iraq et en Syrie serait estimé à plus de 20 000 terroristes, répartis à peu près également entre les deux pays. Selon le haut responsable onusien, cette petite armée de Daech devrait réussir à survivre en Iraq et en Syrie à moyen terme en raison du conflit en cours en Syrie et par les problèmes complexes de stabilisation en Irak. Le dernier rapport analyse également le retour des combattants terroristes étrangers dans leur pays d’origine. Ces retours, bien plus lent du prévu, poseraient d’autres sérieux problèmes. « L’un des dangers les plus importants résiderait dans les compétences militaires acquises dans les zones de conflit pour préparer des engins explosifs improvisés et pour transformer des drones en engins armés».

Daech se féminise

Le rapport n’analyse pas toutefois le rôle militaire, logistique et d’espionnage des combattantes de Daech. Jusqu’à présent, l’organisation terroriste utilisait principalement les femmes au sein d’Al-Khansaa, sa fameuse milice entièrement féminine implantée à Mossoul (Irak) et à Raqqa (Syrie). Sa mission : surveiller les femmes et punir celles ne respectant pas les préceptes de l’organisation. Mais récemment Nada al-Qahtani3 (selon des informations de la chaîne télé Al Arabiya) aurait été nommée à la tête d’un bataillon 100% féminin en Syrie par Abou Bakr al-Baghdadi. Ce bataillon d’un nouveau genre serait à présent déployé dans le nord-est de la Syrie. Tout ça, il serait un autre signe de l’évolution de la présence féminine à l’intérieur de l’organisation surtout dans le combat actif.  En Lybie, ce rôle actif est devenu désormais une réalité. À Sabratha, par exemple, une localité située à l’ouest de Tripoli, des combattantes de Daech ont participé aux combats. Dans ces actions militaires, trois femmes ont été tuées et au moins sept autres ont été arrêtées. Toutes étaient originaires de Tunisie.

Comment se défendre alors de ces menaces ? Comment contraster l’évolution rapide de Daech? « La coopération internationale, le partage d’informations et le renforcement des capacités sont essentiels», a souligné Vladimir Voronkov. Les combattants terroristes étrangers déjà incarcérés posent enfin un autre risque potentiel de radicalisation d’autres détenus dans les prisons où ils se trouvent. Des efforts supplémentaires seraient donc nécessaires en matière de sécurité dans les prisons.

Antonio Torrenzano

Bibliographie numérique :

-Kader A. Abderrahim, Jean Dufourcq, « Daech : Histoire, enjeux et pratiques de l’Organisation de l’État islamique», Paris, IreMMO, 2017. http://iremmo.org/rencontres/controverses/daech/

– Scott Atran, « L’État islamique est une révolution», Paris, Les Liens qui libèrent, 2016;

– Patrick Cockburn, «Le retour des djihadistes. Aux racines de l’État islamique», Paris, Équateur éditions, 2014;

– Pierre Conesa, François Bernard Huyghe et Margaux Chouraqui, « La propagande francophone de Daech : la mythologie du combattant hereux», Paris, FMSH éditions, 2016. http://www.fmsh.fr/sites/default/files/rapport_propagande_bdef.pdf

– Pierre-Jean Luizard, « Le piège Daech. L’État islamique ou le retour de l’Histoire», Paris, La Découverte, 2015;

– L. Napoleoni, « L’État islamique. Multinationale de la violence», Paris, Calmann-Lévy, 2015 ;

– Ph. Bannier et F. Balanche, « L’État islamique et le bouleversement de l’ordre régional», Paris, édition du Cygne, 2015 ;

– O. Hanne et Th. Flichy de la Neuville, «L’État islamique. Anatomie du nouveau califat», Paris, 2014;

– NATO Strategic Communications Centre of Excellence, « Daesh recruitment. How the group attracts supporters », Riga, NATO StratCom COE press, 2016. https://www.stratcomcoe.org/download/file/fid/6851

Notes bibliographiques :

1 Abou Bakr al-Baghdadi, dont le vrai nom est Ibrahim Awwad Ibrahim Ali al-Badri, serait né à Samarra, au nord de l’Irak, en 1971. Après avoir effectué son service militaire au sein des troupes de Saddam Hussein, Abou Bakr al-Baghdadi se serait installé à Bagdad à l’âge de 18 ans pour étudier. Certaines sources affirmeraient qu’il aurait alors commencé à officier en tant qu’imam. Les origines de sa radicalisation restent toutefois incertaines. Selon certains analystes, il était déjà un militant jihadiste sous le régime de Saddam Hussein; pour d’autres, il se serait radicalisé après l’arrivée des troupes américaines en 2003, contribuant à créer le groupe terroriste “Jamaat Jaish Ahl al-Sunnah wal Jamaa”.

Daech s’affranchira progressivement d’al-Qaïda, cherchant notamment des sources de financement autonomes, jusqu’à devenir officiellement autonome en 2013.

3 Selon les informations de la chaine télé Al-Arabya, Nada al-Qahtani est décrite comme une femme ayant un fort caractère et une volonté inébranlable. Elle jouerait déjà un rôle important dans la propagande du groupe auprès de combattantes étrangères. En 2015, selon le MI6 (le Service de renseignements anglais), 60 ressortissantes britanniques auraient rejoint Daech, mais on sait également que d’autres Européennes (Françaises, Allemandes, Belges et autres) ainsi que des femmes originaires des anciennes républiques soviétiques combattraient dans les rangs de l’organisation terroriste. Un nombre très difficile à dénombrer.

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Le 3 août 2014, Daech a lancé une vaste campagne d’enlèvement, de viol, d’esclavage sexuel, de commerce illicite d’êtres humains et d’autres crimes contre la communauté Yézidie et d’autres groupes minoritaires vivant dans la région de Sinjar, dans le nord de l’Iraq. Durant cette attaque génocidaire, des centaines de personnes ont été exécutées et des milliers de femmes ont été capturées par Daech pour être vendues sur les marchés du sexe. Au cours du mois d’août 2014, les massacres de Daech vont se succéder avec extrême violence, barbarie, inhumanité. Les hommes sont exécutés sommairement, les femmes réduites à l’état d’esclaves sexuelles. Les enfants, quand ils ne sont pas assassinés, sont embrigadés pour servir le « califat » naissant. Les survivants qui ont réussi à fuir (20 000 à 30 000 personnes selon le Haut Commissaire pour les réfugiés des Nations Unies), confinés sur les hauteurs du mont Sinjar, sans de l’eau ni de la nourriture, devront attendre le secours tardif de la coalition internationale et de l’armée kurde. Les forces militaires ouvrent finalement un corridor humanitaire quinze jours après le début des massacres.

On estimait entre 500 000 et 700 000, le nombre d’yézidis dans le monde et près de 320 000 peuplaient la région du Sinjar avant l’intervention de l’État islamique. Ils ne seraient plus que 50 000 aujourd’hui, selon l’ONG Yazda. Toutefois, l’ampleur de ce génocide et féminicide, considéré par les Yézidis comme le 74e massacre de leur histoire n’est pas encore déterminé avec précision. De même, on ignore le nombre de civils exécutés et on ne sait pas précisément combien de femmes et enfants ont été enlevés.

Tous les 3 août, des commémorations sont organisées dans de nombreux pays, mais la requête d’une reconnaissance politique internationale du « Génocide Yézidi » n’est pas encore arrivée de manière considérable de la part de la communauté internationale. À présent, de nombreuses représentations nationales ou supranationales ont reconnu le signe génocidaire des crimes perpétrés par les jihadistes. Le Parlement européen a déclaré en février 2016 que le groupe EI commettait « un génocide contre les chrétiens, les yézidis et d’autres minorités religieuses et ethniques ».

La même expression par le Congrès américain dans une résolution adoptée le mois suivant, au mois de mars 2016. Un rapport des Nations Unies, publié en juin 2016, a reconnu que le peuple Yézidis a subi un génocide depuis que Daech a envahi leur région. Au mois de septembre 2016, le gouvernement irakien et les Nations Unies ont signé un accord commun pour prévenir et combattre les violences sexuelles liées aux conflits.

Bagdad a récemment annoncé la création d’un comité interministériel avec l’ONU pour un travail de compilation de témoignages d’exactions qui devrait permettre, dans un lendemain plus ou moins proche, d’engager des actions devant des tribunaux pour génocide du peuple Yézidis, mais pas devant la Cour pénale internationale. Pourquoi pas devant la Cour pénale internationale ? Parce que la Cour serait impuissante face aux crimes des jihadistes. L’institution internationale n’a pas de compétence territoriale sur la Syrie et l’Irak, pays qui ne sont pas sujets étatiques au Statut de Rome. La Cour serait seulement compétente de juger les ressortissants de pays parties de l’institution pénale et qui sont venus combattre dans les rangs de l’organisation État islamique. Depuis quatre ans de ces évènements, les communautés yézidies de par le monde remuent ciel et terre pour obtenir justice. Bien que Daech ait été défait militairement, des milliers d’yézidis sont encore portés disparus et aucun membre de l’ancien État islamique n’a été poursuivi pour les crimes de violences sexuelles. Les Yézidis, leur religion et leur culture sont aujourd’hui à nouveau menacés : dans le cadre de l’invasion d’Afrin qui a débuté en janvier 2018, la Turquie et ses alliés ont détruit de nouveau nombre de villages et quartiers habités par les Yézidis ainsi que des lieux saints leur appartenant.

Par ailleurs, les occupants d’Afrin s’adonnent quotidiennement aux pillages, enlèvements et assassinats des membres de la communauté. Le génocide a été condamné vendredi par Pramila Patten, représentante de l’ONU sur la violence sexuelle dans les conflits à l’occasion de ce triste anniversaire.

« Des histoires horribles qui devraient choquer la conscience de l’humanité », a déclaré Pramila Patten. « L’idéologie de Daech ne peut être véritablement vaincue que si les survivants reçoivent justice et réparation pour les crimes qu’ils ont subis. La réconciliation ne peut avoir lieu que si les personnes disparues sont retrouvées », a souligné Pramila Patten. « Quatre ans après les attaques contre Sinjar, aucun des auteurs de violences sexuelles liées au conflit de Daech n’a été traduit devant un tribunal et les besoins des survivants et de leurs enfants restent immenses », a déclaré la Représentante onusienne. Enfin, outre la justice, les victimes de violences sexuelles ont toujours besoin d’un soutien médical et psychosocial et attendent d’être réunies avec des membres de leurs familles portés disparus.

Antonio Torrenzano