Postmodernité et culture numérique: une contradiction dans les termes ? Conversation avec Michel Maffesoli, université Paris-Sorbonne.

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Conversation avec Michel Maffesoli, professeur de sociologie à l’université Paris-Sorbonne, directeur du CEAQ, fondateur de la revue de sciences humaines et internationales Sociétés. Michel Maffesoli est considéré le sociologue de l’analyse du quotidien en occupant la chaire qui avait été d’Émile Durkheim. Auteur de nombreux essais publié dans plusieurs Pays, de l’Europe au Japon, du Brésil aux États-Unis, Michel Maffesoli a récemment publié «Iconologies. Nos idol@tries postmodernes». Dans ses essais, Michel Maffesoli n’a jamais arrêté d’assigner de la dignité intellectuelle aux phénomènes sociaux dont les disciplines scientifiques montrent scepticisme, indifférence ou méfiance. Il a toujours analysé les aspects locaux et simples des phénomènes qui accompagnent la vie de tous les jours autant que les phénomènes symboliques et affectifs qui révèlent l’émersion du tribalisme postmoderne soutenu et accéléré par les nouveaux médias. Le long dialogue avec l’Auteur, ici proposé, a eu lieu à Modène pendant le festival international de la philosophie, dans le mois de septembre 2008.

Antonio Torrenzano. L’ère de Prometeo est-elle terminée?

Michel Maffesoli. L’ère de Promete est finie, nous sommes au temps de Dionise. Le passage des grandes valeurs modernes comme l’idée de progrès, du travail, de la raison ils ont été remplacés par des valeurs différentes : le temps présent, la création, l’imagination et par d’autres totems mondiaux.Totems communs à toutes les réalités nationales. Quels ? Le moteur de recherche Google, les raves parties, Second Life, YouTube: l’ensemble de ces totems, ils racontent apparemment changements simples, en réalité très profonds de notre société contemporaine. Une société non plus trempée par la raison, mais par un imaginaire nourri d’idoles. Idoles qu’ils ne font plus l’histoire : plus tôt ils nous racontent nombreuses petites histoires que, mises une à côté de l’autre, forment une instantanée de notre temps contemporain. Nous sommes… hic et nunc comme le titre de votre carnet numérique. Tribus musicales, chat rom, reality show, codes esthétiques, tatouages, ils décrivent tous ensemble un changement profond. Changement pas toujours facile à comprendre : parce que dans la société contemporaine l’émotion prévaut sur la raison et l’homme n’est plus projeté à l’avenir. Il vit dans un présent euphorique et tragique en même temps. Pendant la modernité, le progrès et la rationalité avaient tenté de canaliser la violence, mais aujourd’hui ils émergent de nouveaux sentiments particuliers, tribals, irrationnels que nous pourrions définir barbares. Cependant, je ne crois pas que celui-ci soit inutile : la société occidentale, à force de cultiver le culte du risque zéro, elle s’est endormie. Nous ne risquons plus que mourir de faim, mais d’ennui. Les barbares, cependant, portent du nouveau sang. Ce sont nos fils, les nouvelles générations, qu’ils nous secouent. Ils font cahoter nos certitudes et habitudes, ils bouleversent notre calme.

Antonio Torrenzano. Époque de changements et d’émotions au désavantage de la raison? Quelles sont les icônes de ce temps présent ?

Michel Maffesoli. Nous sommes dans une époque de changements. Les jeunes, ils ne vivent plus projetés vers le futur. Ils vivent seulement l’instant. Je l’appelle présentisme : c’est-à-dire vivre avec de l’intensité le seul présent, qu’il s’agisse de relations affectives ou d’échanges. Vivre l’instant est le mot clé. Les jeunes n’enlacent plus l’idée de progrès, d’un horizon à conquérir, ils se concentrent plus tôt sur valeurs comme solidarité ou l’engagement, ici et maintenant. Je pense aux causes de l’environnement, aux organisations sans but lucratif, mais aussi à toutes les créations artistiques qui se voient sur YouTube. J’observe ces tendances. L’occident a passé deux mille ans à abattre des idoles pour arriver à un idéal et, aujourd’hui, il arrive le contraire. Nous revenons vers une nouvelle forme d’idolâtrie. L’historien Peter Brown parle de « petites divinités parlantes » : nous assistons à quelque chose de semblable. Divinités qui parlent à un public spécifique selon l’inclinaison du spectateur : idoles sportives, musicales, cinématographiques, religieuses, politiques. Étoiles de la télévision et de YouTube.

Antonio Torrenzano. Dans votre essai «Notes sur la postmodernité» vous posez l’attention au rôle de la communication. Vous soutenez que dans les sociétés postmodernes la communication devient communion. Quelles sont les conséquences culturelles produites par cette évolution?

Michel Maffesoli. La communication, mais en grande mesure les procès communicatifs soutenus par les nouveaux médias ont activé un nouveau procès dynamique de socialisation entre les individus, la Terre et les objets qui les entourent. Si la modernité a assigné de la centralité à la dimension économique, rationnelle et politique de l’existence, aujourd’hui on revient à la culture dans un sens le plus ample du mot. Le siècle qui s’annonce mettra son accent sur les aspects liés à la culture immatérielle et à l’imaginaire. La communication assume déjà dans le XXI siècle la fonction que dans le passé ils ont déroulé l’économie et la sociologie. La communication et, pour mieux dire les nouveaux médias deviennent le facteur de reconnaissance et d’identification, ainsi que l’élément sacré autour duquel les communautés se fondent et ils vibrent ensemble. Brièvement, l’élément structural de l’être ensemble postmoderne.

Antonio Torrenzano

 

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