Sur l’Holocauste du Peuple Yézidi. Conversation avec Nadia Murad.

nadia-murad_milan_maggio2016_imageConversation avec Nadia Murad, 23 ans, enlevée en Irak par l’organisation de l’État islamique en août 2014 comme des milliers d’autres du peuple Yézidi. Nadia Murad appartient à la religion yézidie, une minorité religieuse chassée par DAECH de son pays. Comme les chrétiens, les yézidis sont une minorité religieuse d’Irak où ils sont plus de 500.000, essentiellement dans le nord du Pays. Selon Nadia Murad, ces crimes n’ont pas été commis de manière arbitraire, mais ils ont été perpétrés en suivant un plan organisé pour exterminer l’identité de son peuple. Esclave des djihadistes pendant trois mois, elle réussit à s’enfuir de Mossoul et arriver dans un camp de réfugiés au Kurdistan irakien. Aujourd’hui, elle a trouvé asile en Allemagne dans la ville de Stuttgart. Après avoir retrouvé sa liberté, Nadia Murad est en train de parcourir le monde entier pour sensibiliser la communauté internationale de la destinée que subissent les minorités d’Irak sous la domination des terroristes du DAECH. Le dialogue a eu lieu à Milan pendant le “Festival dei Diritti Umani”, organisé au mois de mai 2016 dans la ville italienne.

Antonio Torrenzano. La pratique de l’esclavage, du viol, de la négation de tous les Droits humains a été perpétrée par DAECH comme arme efficace afin de détruire les cultures minoritaires au Moyen-Orient et les vies de nombreuses femmes, fillettes, enfants.

Nadia Murad. Pour eux, nous ne sommes rien. Subir ça, c’est le prix à payer pour être une femme yézidie. C’est-à-dire une personne d’une minorité culturelle et religieuse en Irak qui n’existe pas. J’ai été prise près de mon village. Je me souviens que tous les hommes ont été séparés des femmes et des enfants. Ils ont tué les hommes un par un; dans le groupe il y avait aussi six de mes frères. Puis, il a été le tour des vieilles femmes : toutes ont été assassinées. Au contraire, toutes les jeunes filles du village ont été accompagnées par bus jusqu’à Mossoul. Là-bas, toutes les prisonnières ont été vendues.

Antonio Torrenzano. Après votre vente, qu’est-ce qu’il arrive ?

Nadia Murad. J’ai été vendue à un individu qui me traitait comme un objet, une moins que rien. Ma vie dans sa maison était infernale. On ne vivait même pas au jour le jour, on ne pensait qu’à la survie. Mon bourreau me répétait toujours:”tu es une infidèle”. De jour comme de nuit, lui et d’autres individus venaient nous violer. Un jour, j’ai décidé de m’enfuir, mais j’ai été rattrapée. Mon ravisseur m’a battue et il m’a fait violer par d’autres individus. Ils ont fait de moi ce qu’ils voulaient. Ils m’ont violé plusieurs fois par jour afin de détruire ma volonté et ma force de résister. Par ces viols systématiques, DAECH a voulu anéantir ma communauté, insulter l’honneur de mon peuple, nous rendre passifs.

AT. Vous êtes une rescapée. Après avoir raconté votre histoire devant le Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre 2015, vous parcourez le monde entier pour témoigner l’Holocauste de votre Peule et vos terribles événements.

Nadia Murad. Il n’y a pas de vie avec Daech. Daech est l’ennemi de l’humanité, il est en train de détruire l’identité collective de l’Humanité. Pour eux, l’Histoire avant la religion musulmane n’existe pas.

Antonio Torrenzano