Contre le pire du capitalisme, la pratique de la gratuité.

patrick_chappatte.1224270488.jpg

Dans les salles opératives des courtiers qui ont toujours vécu selon l’ancienne anecdote latine «homo sine pecunia imago mortis», la commémoration des morts sera célébrée à l’avance cette année !!

Toutefois, à payer ce seront les gens ordinaires et non les banquiers qui ont déjà porté leurs stock options dans un lieu sûr avant la faillite des instituts financiers. Affirmation que l’éditorial de l’hebdomadaire «The Economist» du 30 août 2008 déclare lui-même:« C’est le pire du capitalisme : il signifie que les actionnaires et les dirigeants jouissent des profits tandis que les contribuables paient l’ardoise quand il y a des pertes». Mais, l’anecdote latine a une double signification puisque l’individu qui vit seulement pour l’argent est un homme pas ouvert à ses semblables, qui ne pratique jamais l’amitié et qui méconnaît la pratique de la gratuité. L’économie redécouvrira une fois de plus dont l’anthropologie sait de longue date: l’importance du don. Plus que jamais, «l’Essai sur le don» de Marcel Mauss devient alors très contemporain à présent.

Contre le réductionnisme propre du formalisme économique, l’anthropologie de la gratuité vient rappeler que l’«Homme total » de Marcel Mauss, il est un homme complexe, irréductible à la figure simplifiée de l’Homo oeconomicu . Déjà, Émilie Durkheim soulignait cette tension irréductible de l’«Homo duplex» entre l’idéal moral (l’ensemble des «sentiments partout réservés à des fins impersonnelles, universalisables»), et l’idéal utilitaire «nécessairement égoïste». Néanmoins, plus que Durkheim, c’est bien Mauss qui a su systématiquement mener cette anthropologie de l’Homme total.

Ce caractère hybride de la nature et de la sociabilité humaines, Marcel Mauss le condense justement dans ce fait résolument total que constitue le don. Le don pour lui exprime cette tension : il ne se réduit ni à une prestation purement libre et gratuite ni à l’échange intéressé de l’utile. Toute la profondeur anthropologique de la découverte de Mauss est ici : dans et par le don s’affirment conjointement l’autonomie personnelle du sujet et son appartenance sociale; dans et par le don s’articulent la poursuite de l’avantage individuel et l’ouverture à autrui par des actes généreux.

Mauss peut ainsi suggérer de considérer la triple obligation de donner, recevoir et rendre comme la matrice universelle de toute socialité humaine, comme le « fondement même du droit», voire la « morale éternelle » commune aux sociétés les plus évoluées comme à celles qui le sont moins. L’illustration à ce billet de Patrick Chappatte n’est pas seulement réelle et amère comme une ciguë, mais nous indique qu’une nouvelle voie devra être prise bientôt dans les sociétés capitalistes occidentales.

Antonio Torrenzano

 

 

Net Bibliogr@phie.

Pour une sociologie de la gratuité lire les recherches et les activités menées par le Centre d’études sur la pensée de Marcel Mauss au suivant adresse numérique http://www.revuedumauss.com.fr . Les publications de l’économiste Alain Caillé dont «Don, intérêt et désintéressement»,Paris, édition La Découverte/MAUSS, 1994; et l’essai du même auteur «Anthropologie du don», édition Desclée de Brouwer, Paris, 2000. L’essai de Philippe Chanial «La société vue du don. Manuel de sociologie anti-utilitariste appliquée», Paris, édition La Découverte/MAUSS, 2008.

Les travaux de l’Institut d’études économiques et sociales pour la Décroissance à l’adresse web http://www.decroissance.org tandis que sur la pensée de Nicholas Georgescu-Roegen à l’adressé numérique de l’Université du Québec à Chicoutimi http://classiques.uqac.ca

 

Join the discussion

Il tuo indirizzo email non sarà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *