La presse et les nouveaux temps de restrictions.Conversation avec M.Gitobu Imanyara,journaliste au Kenya.

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Conversation avec Gitobu Imanyara, avocat, ancien éditeur du Nairobi Law Monthly, revue mensuelle qui avait activement participé au combat pour la démocratie au Kenya. Sous le régime du président, Daniel Arap Moi, au début des années 1990, Gitobu Imanyara a été arrêté plusieurs fois pour ses opinions et ses publications qui ont été interdites. En 1991, pour récompenser son travail, l’Association mondiale des journalistes lui a remis la Plume d’or de la Liberté de la presse. Le dialogue a été développé par appel téléphonique.

Antonio Torrenzano. Avez-vous rencontré des pressions à publier la revue juridique Nairobi Law Monthly ?

Gitobu Imanyara. La revue juridique Nairobi law monthly a été lancée quand à l’époque il y avait le système du parti unique au Kenya. Un grand nombre de journalistes étaient obligés de s’autocensurer, mais je refusais chaque censure. Par conséquent, ma publication recevait souvent des visites de la police et il était même parfois interdit. Ces visites ont eu des répercussions économiques, mais aussi de limitation de ma liberté comme éditeur de la revue. Il m’arrivait parfois d’imprimer 10.000 exemplaires de la revue, de m’apprêter à distribuer l’édition, et de recevoir tout d’un coup une visite des autorités, qui confisquaient tout. J’ai donc perdu de l’argent et je me suis énormément endetté. Le Nairboi law monthly a suspendu il y a deux ans et demi ses parutions en raison de ces problèmes financiers. À l’époque, nous avions presque 20 employés, dont trois journalistes, des pigistes, des collaborateurs, des stagiaires. Le Nairobi law monthly était aussi une revue d’apprentissage pour les journalistes. La plupart des rédacteurs en chef, qui exercent encore la profession au Kenya dans d’autres publications, ils ont travaillé presque tous pour la revue. D’un certain point de vue, la revue a été un laboratoire dans lequel plusieurs de jeunes venaient pour apprendre le métier, mais aussi pour se confronter sur l’avenir du Pays.

A.T. Comment analysez-vous la situation contemporaine de la presse au Kenya ?

Gitobu Imanyara. Les journalistes ne sont plus emprisonnés et les journaux ne sont plus interdits. Mais, les journalistes de médias rencontrent encore des difficultés extrêmes qu’avant. La presse indépendante souffre d’une autocensure très forte. Par conséquent, il n’y a aucune liberté de presse concrète. Nombreuses publications privées ont toutes des liens avec le gouvernement et une énorme partie des financements ou investissements publicitaires sont gérés par le gouvernement. Les entreprises de presse indépendantes sont rares. Parfois, le gouvernement place lui-même des articles et il paie des journaux afin qu’ils publient des nouvelles favorables à son égard. Actuellement au Kenya, nous ne voyons pas de gens arrêtés ni emprisonnés pour leurs écrits, mais les problèmes demeurent. Les pressions sont différentes de ce qu’elles étaient, mais elles visent toujours à réduire la presse au silence.

Antonio Torrenzano. Pourquoi avez-vous quitté votre carrière comme avocat des Droits de l’Homme pour constituer le Nairobi law monthly. Qu’est-ce qui vous a conduit au monde du journalisme?

Gitobu Imanyara. Je suis un avocat de formation et je n’ai reçu aucune formation théorique au journalisme. Le droit était l’option la plus proche au journalisme. Pendant ma carrière d’avocat, je me suis battu pour les droits de l’homme et j’ai défendu des hommes politiques persécutés par le gouvernement. Cela, il m’a causé des problèmes avec les autorités et j’ai été arrêté, emprisonné et, même, rayé du barreau pour continuer ma profession d’avocat. C’est pendant l’une de mes incarcérations que j’ai eu l’idée d’une publication sur les Droits de l’Homme qui dénonceraient les mauvais traitements du système judiciaire au Kenya. En tant qu’avocat, j’avais vu un nombre de personnes condamnées à de peines qu’elles n’avaient pas commises. J’avais vu, aussi, comment le système judiciaire était utilisé pour de simples buts politiques. Quand j’ai été libéré en 1987, j’ai lancé la publication que j’avais imaginée, The Nairobi law monthly, pour dénoncer les violations du système judiciaire par le gouvernement, offrir un forum pour débattre la crise des droits constitutionnels au Kenya et prouver que toutes les personnes condamnées n’étaient pas forcément des criminels.

A.T. J’aimerais continuer notre dialogue sur les formes d’autocensure dont vous parliez dans votre réponse précédente.

Gitobu Imanyara. L’autocensure a de formes différentes. La première censure est directement liée à l’éditeur de la publication.L’objectif est toujours le même: réduire les médias au silence, étouffer la liberté d’expression et empêcher quiconque à dénoncer la corruption au sein de l’État. Il est difficile pour la communauté internationale de percevoir les restrictions imposées à la liberté d’expression dans mon Pays. Les médias refusent également à poser de questions liées au droit d’informer et ils couvrent très peu, eux-mêmes, les violations sur leurs propres libertés.

 

Antonio Torrenzano.

 

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