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onu_newyork_imageConversation avec M.me Maria Giovanna Bianchi Zucchelli, conseiller juridique et spécial assistant de Luise Arbour, Haut Commissaire de l’ONU pour les Droits humains. M.me Maria Giovanna Zucchelli a recouvert la même charge avec le précédent Haut Commissaire pour les droits de l’Homme,M.me Mary Robinson et, elle a collaboré avec Sergio Vieira de Mello, fonctionnaire des Nations Unies décédé à Bagdad dans l’été 2003. Une large partie de son activité juridique internationale a été consacrée à la défense des femmes, des enfants et des minorités violées dans chaque angle de la planète. Dans cette époque tourmentée par de graves violations à la dignité humaine, “Madame des droits humains” (comme les collègues et les experts italiens l’appellent amicalement), continue silencieusement à construire ponts entre les différentes cultures et développer un fort consentement pour la défense des droits de tous. Le dialogue a eu lieu auprès du Centre de recherche Pio Manzù, le 28 octobre 2007, pendant la XXXIII édition des journées internationales d’études, titrées:The flight of the humming bird.The future of children in the mind and society of the world.

Antonio Torrenzano. Pourquoi dans un système que nous défions mondialisé, dans la plupart des régions de la planète la dignité humaine est-elle encore écrasée ?

Giovanna Zucchelli. Je suis d’accord avec vos mots pour ce qui concerne la dignité humaine. Car, quand on parle des droits humains comme idée juridique, à la base de tout, il y a la vie et dignité humaine de chaque personne. Si nous regardions et interprétions, en revanche, ces concepts juridiques comme de simples lois, alors tous les efforts juridiques pour sauvegarder l’Individu deviendraient dépourvus de sens. La défense des droits humains est un devoir, il est un devoir comme mission de l’Agence des Nations Unies, ma mission comme juriste et personne. Beaucoup de monde à une idée très compliquée pour ce qui concerne ce secteur, certains pensent à des compliquées analyses juridiques ou philosophiques entre des académiciens. Mais, s’il était, dans un certain sens, seulement un travail intellectuel, alors nos efforts seraient seulement semblables à une petite collection des navires dans des bouteilles. Sergio Vieria de Mello, au contraire, a été assassiné pour sa mission de sauvegarde contre toutes les violations à l’individu en Iraq. Seulement si tu les mets en pratique, ils ont une utilité contre tous les effets dévastateurs qui effacent la vie humaine et la dignité de l’Homme. La force de la norme est fondamentale contre la violence et contre toutes les menaces à la vie humaine. Une vie ordinaire ne peut se dérouler avec une certaine stabilité qu’à condition qu’elle soit pourvue des capacités fondamentales de l’humain: pouvoir dire, pouvoir agir, pouvoir raconter et, enfin, pouvoir se croire capable de dire, de faire, de raconter. Or la vulnérabilité commence par déstabiliser et finit par rendre problématique l’exercice de ces capacités.

Antonio Torrenzano.Il y a un débat si les droits humains sont-ils occidentaux ou s’ils sont orientaux. Qu’est-ce que vous pensez à ce propos ?

Giovanna Zucchelli. Il est absolument stérile parce que sur une femme on n’a pas le droit de la taper, aucun enfant n’a pas le droit de mourir de faim ou de rougeole, aucun individu qui a le droit de défendre ses propres idées il ne peut pas être torturé. Ce sont de très graves violations qu’ils n’ont pas de frontières, primogénitures; ce débat est utilisé seulement pour fins idéologiques. Agir pour le respect des droits humains, il équivaut à affirmer le plein respect de la personne. Un homme, une femme, un enfant sont tous individus doués de sentiments, tous absolument égaux pour vivre une vie dans les meilleures conditions. Je vous fais l’exemple de la fable africaine du “vol du colibri”, un petit oiseau qu’avec son bec il tâche de contribuer à l’extinction de l’incendie dans la forêt. L’idée est celle-ci! Il n’importe pas ce que tu fais, que tu es où vifs-tu? L’important est d’assumer chacun de nous notre responsabilité et demander le respect des droits inviolables de tous. Personnellement, j’ai choisi cette mission comme métier, mais je sens quotidiennement cette responsabilité. Un seul point de repere:plus aucune violation dans toutes les régions de toute la planète ne contres les droits de l’homme, de la femme, des enfants. Les Nations Unies ont exclusivement créé un bureau pour la sauvegarde de ces droits. L’organisation est très engagée par ses activités contre ces menaces et dans une continue recherche de coopération avec les gouvernements pour le respect de ces droits. La seule condamnation ne sert pas à rien. Il faut condamner la responsabilité individuelle des individus qui enlèvent les enfants. Il faut condamner la responsabilité de ceux qui commettent de violences aux civils. Il faut condamner la responsabilité de ceux qui tuent de gens innocents. Il faut travailler avec les États nationaux pour créer des structures de sauvegarde. Il y a parfois des États qui veulent collaborer, mais ils n’ont pas les moyens pour le faire. Parce que l’administration publique est insuffisante et une police pas préparée à certaines éventualités. L’agence Haut Commissaire de l’ONU pour les Droits humains est en train de faire mettre en place des nouvelles lignes d’action dans le domaine juridique pour dépasser ces difficultés.

Antonio Torrenzano

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sua_santità_Dalai_Lama_imageConversation avec Sa Sainteté Tenzin Gyatso, 72 ans, dont 48 ans en exil, quatorzième réincarnation du Dalaï-Lama, guide spirituel du bouddhisme tibétain. L’interview a eu lieu à Milan le huit décembre 2007, pendant la visite de Sa Sainteté en Italie.

Antonio Torrenzano. Votre Sainteté comment vit-il votre peuple ? Les récents rapports d’Amnesty International parlent de moines contraints à abjurer ou forcés à s’expatrier.

Sa Sainteté Dalaï-Lama. La République populaire de la Chine gouverne le Tibet avec des lois semblables à la terreur. Ils nous empêchent de pratiquer notre religion. L’exploitation menace notre territoire et l’environnement. Liberté d’expression n’existe pas et il n’existe pas la liberté de presse. La violation des droits humains est continue. Je crois que ces violations peuvent avoir conséquences négatives pour l’unité et la stabilité de la même République populaire chinoise. Depuis 2002, nous avons eu avec le gouvernement de Pékin six rencontres: à la cinquième rencontre, ils ont reconnu que nous ne cherchions pas l’indépendance, mais l’autonomie comme il recommande la loi fondamentale de l’État chinois. J’avais joui, mais à la fin du juin 2007, ils nous ont accusés de nouveau de séparatisme et intensifié encore une fois la répression.

Antonio Torrenzano. Qu’est-ce qu’il peut faire l’Union européenne ?

Sa Sainteté Dalaï-Lama. L’Union européenne, qui promeut la valeur des droits humains, elle pourra toutes les fois qui rencontreront les dirigeants du gouvernement de Pékin rappeler ces valeurs. Je tourne cet appel aussi aux intellectuels,au monde académique, aux hommes d’affaires qu’ils ont importants rapports d’affaires avec la République populaire chinoise. Je crois que se taire, troquer justice et vérité pour l’argent, il soit une forme de loi du silence et de corruption. J’ai déjà affirmé ma pensée au Président des États-Unis, Mr George W. Bush, au Chancelier allemand M.me Angela Merkel, à Vienne au Chancelier social-démocrate, M. Gusenbauuer. Nous désirons seulement prier et vivre librement au Tibet. Je veux un monde plein de paix, de fraternité entre les hommes et d’un dialogue religieux constructif pour l’avenir.

Antonio Torrenzano. L’homme parfait n’est pas intéressant, ce sont les imperfections de la vie qui se font aimer. Est-ce qu’il existe un point de clairvoyance au-delà des frontières de l’illusion ?

Sa Sainteté le Dalaï-Lama. Il y n’aura pas une paix entre les peuples et il y n’aura pas une paix entre les individus sans justice et vérité et un dialogue entre tous. La justice est un droit inaliénable ! Avoir une vénération pour la vie développe une culture du respect vis-à-vis de chaque vie. En Italie, il a y eu quelque embarras pour ma visite, de l’autre côté, partout j’aille, les dirigeants chinois posent des problèmes aux Pays qui me reçoivent.

Antonio Torrenzano

 

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andree_glucksmann_image_03La conversation avec André Glucksmann a eu lieu à Rimini pendant la XXXe édition des journées internationales d’études sur “Islands without an archipelago. Economies,the masses,nation states in search of a new sovereignty” organisées par le centre de recherche Pio Manzù.

Antonio Torrenzano. Pourquoi soutenez-vous que le premier droit de chaque homme, il est ce de s’opposer contre l’inhumanité de sa condition?

André Glucksmann. La bataille pour les droits humains ne peut pas être fondée sur un idéal abstrait de l’homme ou de l’humanité. Au contraire, telle défense doit être motivée seulement par l’expérience de ce qui est inhumain. Je peux affirmer que l’universalité des droits de l’homme a du sens surtout dans l’universalité de l’inhumain. Voilà parce que les droits ne doivent pas servir à la construction d’un paradis en Terre, mais seul à combattre, bien que possible, l’enfer que nous y trouvons devant. Ce n’est pas l’idée d’un bien suprême qui mobilise les hommes, mais la résistance au mal. J’ai toujours été sans illusions et lointain de l’idéalisme présent dans la Déclaration des droits de l’homme. La même sensibilité vaut aussi pour d’autres personnes qui ont partagé avec moi cette idée: Bernard Kouchenr, Michel Foucault. Ces derniers avaient toujours critiqué chaque définition idéaliste ou métaphysique de l’homme. En conséquence, je n’ai jamais adhéré à la conception des droits de l’homme élaborée au XVIII et au XIX siècle qui postulait la promotion d’un simple idéal humain. Une telle perspective, il me semble trop colonial et je ne peux pas là absolument partager. En outre, devant à un idéal vague, les affronts et les menaces qui pèsent sur l’homme – c’est-à-dire les champs de torture nazis, les tortures, l’humiliation et les oppressions – ils m’apparaissaient comme réalités terriblement concrètes et universelles.

Antonio Torrenzano.Comment expliquez-vous les nombreuses faillites des processus de paix dans le continent africain ?

André Glucksmann. Les “peace builders” considèrent souvent le conflit armé comme un pur objet d’intervention. Ils ne considèrent presque jamais que les guerres sont en revanche un processus plus complexe. Ce processus se concentre sur la construction d’institutions principalement à niveau national et il ignore cependant les causes de fond de la violence soutenues sur le terrain. C’est une approche seulement technique! En outre, quand la communauté internationale montre sa disponibilité à traiter avec la violence endémique sur le terrain, il se concentre en général seulement sur les leviers nationaux ou internationaux de la violence sans analyser la vraie situation et les vrais rapports de force. Une raison de la faillite, dans la gestion de beaucoup de conflits dans le continent africain, est que l’attitude vers la paix a amplement négligé les changements d’organisation des sociétés locales. En plusieurs de régions de conflit, la diminution des compétences de l’État national et la création de mouvements rebelles et de milices, ils ont laissé marges d’action à la formation de nouveaux centres pas nationaux d’autorité qu’ils ont introduit nouvelles modalités de surveillance politique, social et économique.

Antonio Torrenzano. Dans les prochains cinquante ans, Michael Ignatieff soutient dans ses écrits, nous devons nous attendre de voir ultérieurement fragmenté le consentement moral qui soutint la Déclaration universelle des droits de l’homme du 1948. Pourquoi la mondialisation économique n’a-t-elle pas porté une globalisation morale ?

André Glucksmann. Notre premier droit est celui de combattre l’inhumain et de résister à l’oppression en obligeant le pouvoir à respecter l’homme. Ceci concerne la défense des libertés fondamentales qu’ils permettent le progrès démocratique. Chaque homme doit avoir toujours la possibilité de défendre sa propre dignité, n’en oubliant pas qu’il s’agit d’une possibilité toujours relative, possibilité devenue encore plus relative aujourd’hui dans les pays occidentaux.Le respect absolu des droits humains n’existe pas, aussi les pays démocratiques les piétinent. Mais une démocratie garantit toujours à ceux qui veulent faire respecter les droits, la possibilité de s’exprimer et se faire écouter de l’opinion publique. La démocratie n’est pas une réalité parfaite, mais une réalité dans laquelle il est possible de dénoncer qui viole les droits. Aujourd’hui, cette possibilité est étendue plus qu’au passé. Aux États-Unis, par exemple, les tortures sont dénoncées et il y aura des condamnations. Pendant la guerre de l’Algérie, la France a torturé sans problème et aucun militaire n’a jamais été jugé. Il y a encore des États qui utilisent dans une en manière foulée le sujet des droits de l’Homme. La Russie, par exemple, veut faire condamner les atrocités commises par les Américains dans les prisons iraquiennes, mais elle refuse chaque ingérence en Cecenie où les tortures sont une pratique normale depuis dix ans.

Antonio Torrenzano. Pensez-vous à Beslan ?

André Glucksmann. Je pense encore à Beslan, je pense encore aux violences systématiques qui arrivent en Cecenie, à la violence perpétrée sur les femmes, sur les enfants, sur les hommes. Je pense aux cent mille individus disparus dont il y a plus de nouvelles. Ces disparus ne comptent pas pour les chancelleries politiques. Est-ce que les dissidents n’ont jamais compté pour les gouvernements ? La situation peut certainement changer, nous pouvons encore trouver reliquats de moral qui encore hébergent dans beaucoup d’individus. Qu’est-ce que nous répondrons à nos fils quand ils nous revendiqueront quoi nous avons fait pour cette tragédie démesurée? Comment répondrons-nous ?

Antonio Torrenzano

 

ActualitéBlogrollEconomie

Jacques GénéreuxConversation avec Jacques Généreux, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Association internationale pour l’économie humaine, écrivain.

Antonio Torrenzano. Les sociétés qui sont économiquement et socialement les plus avancées, elles sont aujourd’hui soumises à une double transformation. D’un côté, nous constatons une convergence et une homogénéisation considérable des styles de vie, des conduites et des manières de consommer; de l’autre une augmentation graduelle et progressive de la pauvreté, des difficultés.Si la mondialisation économique est aujourd’hui le visage contemporain de l’idéologie du marché où l’individu est réduit à un simple consommateur seul et isolé face au marché,comment pourrons nous changer ce processus économique ?

Jacques Généreux. Quand je parle d’économie humaine, je ne désigne ni un modèle, ni un système économique mais une inspiration et des aspirations communes. Plus précisément, par économie humaine, j’entends exprimer l’adhésion à une finalité, un choix méthodologique et la coscience de notre responsabilité de chercheur vis-à-vis de la société. La seule finalité légitime de l’économie est la qualité de vie des femmes et des hommes, à commencer par celle des plus démunis. La satisfaction équitable des aspirations humaines pas seulement celles qui procurent les consommations marchandes. Mais l’ensemble des aspirations échappant à toute évaluation monétaire:dignité, paix, securité, liberté, éducation, santé, qualité de l’environnement, bien-être des générations futures. Un système économique pleinement efficace n’est pas seulement celui qui garantit l’absence de gaspillage des ressources dans la production des biens, mais aussi celui qui satisfait au mieux l’ensemble des exigences de l’humanité, à commencer par l’exigence de justice.Dans cette optique, la distinction fréquente entre la question de l’usage efficace des ressources, qui serait d’ordre purement technique, et la question de leur juste répartition, qui serait d’ordre politique, est contestable. La justice comme la dignité humaine ne sont pas des considérations indépendantes de celles lieés à l’usage efficient des ressources. Il s’agit de définir les éléments qui réunissent au fond les principales alternatives au laissez-faire pur et simple.

Antonio Torrenzano. Le développement actuel n’est pas durable puisque l’humanité est condamnée à un génocide par la faim. Je crois qu’il faudra trouver vite un développement qui remette en cause le parcours suivi jusqu’à ce moment. Pensez-vous qu’on est obligé de passer à une nouvelle vision économique ?

Jacques Généreux. L’économie humaine est l’économie d’un être humain complet,d’un être humain qui inscrit son action dans le temps (et donc l’histoire),sur un territoire,dans un environnement familial,social,culturel et politique;l’économie d’une personne animée par des valeurs et qui ne résout pas tout par le calcul ou l’échange,mais aussi par l’habitude,le don,la coopération,les règles morales,les conventions sociales,le droit, les institutions politiques. Au lieu d’évacuer la complexité des sociétés humaines (qui ne se met pas toujours en équations), l’économie humaine s’efforce de tenir un discours rigoreux intégrant la complexité,les Individus.La difficulté est de trouver,non pas le plus petit dénominateur commun, mais le plus grand et le plus signifiant pour nos concitoyens. Je pense que l’économie peut aider les êtres humains à choisir leur destin plutôt que de le subir. Nous savons que l’économie est politique et qu’il s’agit de réintégrer,et non d’opposer,l’économie et la démocratie. La seule finalité légitime du développement économique est la satisfaction équitable des besoins humains.Les lois de l’économie doivent retourner à être au service des lois des individus.La notion de progrès humain doit retouner à avoir un sens.Je constate,au contraire,que l’économie concrète,l’économie perceptible aussi aux profanes,est perçue comme inhumaine. Il faut remplacer le survie par la vie, le conflit par la paix,la rivalité par la convivialité et la solidarieté.

Antonio Torrenzano. Par l’économie humaine, vous ne désignez pas un modèle, mais une inspiration commune reposant sur trois exigences. Est-ce-que je pourrais connaitre les principales finalités ?

Jacques Généreux. L’économie doit être au service des êtres humains et non l’inverse.L’efficacité productive, la compétitivité,la rentabilité,ne sont pas des finalités de l’économie mais des simples instruments qui restent subordonnés au respect des principes énoncés par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et aux efforts entrepris par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Tout être humain a un droit égal et imprescriptible à des conditions de vie matérielles décentes (nutrition, accès à l’eau,hygiène, logement, sécurité physique),à l’éducation,à l’accès aux soins.Dans un monde ou les deux tiers de l’humanité n’ont pas d’accès régulier à ces biens de base,il est évident que il faut faire vite.Tout être humain a le droit d’accéder aux modes de partecipation à la vie sociales qui sont nécessaires au respect de soi et à la dignité.

Antonio Torrenzano

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Derrick de Kerckhove dirige le programme McLuhan en culture et en technologie et il est professeur au département d’Etudes françaises de l’Université de Toronto. Parallèlement à ses études, il a collaboré avec le Centre pour la Culture et la Technologie (1972-1980) où il fût un collaborateur de McLuhan que ce soit à titre de traducteur, d’assistant et de coauteur. C’est un maitre a penser dans le domaine des télécommunications et de la réflexion sur la révolution provoquée par de nouvelles technologies. Il organise des ateliers sur la connectivité de l’intelligence dans lesquels il propose une nouvelle façon de réfléchir en synergie en utilisant les technologies de l’information. La conversation avec le maître à penser a eu lieu à Rimini pendant la XXXIIeme édition des journées internationales d’études du Centre de Recherche Pio Manzù.

Antonio Torrenzano. L’apparition des technologies de l’électronique et du numérique et, plus précisément celles du réseau, va entraîner de nouveaux questionnements sur nos relations sociales: par example la mutation de notre rapport à l’espace et au temps. Actuellement, grâce à l’ordinateur, il est possible se déplacer géographiquement sans se déplacer physiquement. Paul Virilio affirme “aller ailleurs sans aller nulle part”. Comment s’annoncent les décennies futures ?

Derrick de Kerchkove. Nous entrons dans une nouvelle culture qui est celle de l’hypertexte, c’est-à-dire la multiplication des rapports et des liens entre différents domaines de consciences et de savoirs qui ne sont plus nécessairement reliés entre eux mais que l’utilisateur relie et cela crée une relation totalement nouvelle au langage et au texte. On peut comparer cette nouvelle culture comme à l’alphabet qui a été la grande technique unificatrice des “cultures”, au moins pour la culture occidentale. Aujourd’hui c’est le bit, 0/1, on/off. Le bit a nous permis de réduire la vie sensorielle humaine et, nombreux d’autres procès, à une série unique d’on/off alternatifs. C’est comme si hier on était passés de l’oralite à l’alphabet avec les Grecs et, qu’aujourd’hui, on passait du monde de l’écriture au monde de l’électricité avec les réseaux, avec les écrans, avec les ordinateurs, avec Internet et tout ça. Encore… aujourd’hui, les technologies de l’électronique et du numérique et plus précisément du réseau ont engendré une nouvelle façon d’envisager le corps dans sa relation à l’espace et au temps, dans sa physicalité mais aussi dans sa dimension conceptuelle. Plus en général nous assistons à une disparition de la frontière étroite entre toutes les catégories traditionnelles:”homme/machine”,”coeur/ment”,“intelligence/mémoire”.Mais les distinctions restent opérationnelles. Je pense qu’il soit nécessaire comprendre combien un domaine coïncide avec un autre plutôt que parler d’un total effacement des frontières entre ceux-ci. Les nanotechnologies peuvent faire revivre un tissu organique et les autres fonctions mais leurs identitées restent distinguées de l’être humain. C’est pour tout ça que je n’apprécie pas la rhétorique du post-humain.

A.T. Si l’homme n’existe qu’à travers les formes corporelles qui le mettent au monde – affirmait David Le Breton-, toute modification de celle-ci engage une autre définition de son humanité? Qu’est-ce que vous pensez de l’idée du “corps disparu”?. De l’idée d’un corps disséminé dans les réseaux qui perd son corporéité matérielle.

Derrick De Kerchkove. Affirmer que nous sommes en train de perdre notre corps disséminé dans les réseaux, il est – selon moi- une notion romantique. Je pense qu’il soit exactement le contraire. Nous ne sommes pas en train de perdre notre corporéité. En revanche,nous sommes en train de l’étendre. Il ya une reconsidération du corps et de la corporéité qui s’inscrit dans les pratiques artistiques contemporaines. Le réseau peut être envisagé comme prothèse, non pas tant avec l’idée de suppléance d’un membre absent mais avec une visée de mise en continuité du corps biologique avec d’autres corps, notamment électroniques et numériques. Blaise Pascal affirmait:”l’homme n’est ni ange ni bête; le malheur est que qui veut faire l’ange, fait la bête”. Le corps continuera à exister parce qu’il représente la plus complexe interface de l’existence humaine. Comment catholique je ne partage pas cette idée et, non plus comme homme. L’idée entière se base sur un axiome incorrect, c’est-à-dire que “virtuel = immatériel”. Il n’ya rien d’immatériel dans le Web, le Net est soutenu par une profonde infrastructure de réseaux physiques réels. La technologie wireless, par example, est une technologie qui met tout le monde en contact avec tout et tous. Elle est ainsi performante et globale parmi toutes les autres technologies qu’elle fera imploser le monde sur lui-même.

A.T. Je cite, encore une fois, Paul Virilio: “la vie est une passion contagieuse et ni la science ni surtout les techno-sciences n’ont le pouvoir de l’éteindre et d’abolir les risques qu’elle comporte. Vivre, c’est dangereux, c’est même mortel! Impossible donc de séparer vitalité et mortalité… à moins de vouloir créer de toutes pièces une génération de morts-vivants, de zombies, qui seraient aux sociétés futures ce que l’esclave était aux sociétés du passé. Le surhomme de l’eugénisme fin de siècle est en réalité un “sous-homme”, un “infra-humain” et sûrement pas un trans-humain”. Au sujet de l’accélération dans les sociétés technologiques il ya des intéressantes analyses de Jean Baudrillard et Paul Virilio, quoi pensez-vous à ce propos ?

Derrick De Kerchkove. Le problème de l’accélération est suprême. Dans une culture stable dans lequel le virage technologique est lent, c’est l’État qui soutient d’une façon générale et il contrôle la culture. Dans notre époque les révolutions technologiques arrivent à un stade mûr trop rapidement.Quand l’innovation technologique accélère, le devoir de l’harmonisation collective et alors de l’éducation psico-sensorielle est déférée à la culture. Mais c’est la société Nintendo, maintenant, qui règle les systèmes nerveux des jeunes générations plusieurs exposés aux ordinateurs qui pas aux écrans de la télévision. Quand nos enfants sont en train de jouer à la consolle de leur “Xbox” ou “play station”, ils deviennent des simples joysticks humaines de videocartoon digitaux. Celle-ci, il me semble, l’image la plus précise des nos nouveaux “moi-meme” émergents. Actuellement les forces de marché ont pris le dessus. Je crois qu’il soit arrivé le temps d’une meilleure compréhension des complexités de notre société actuelle, d’un monde tout à coup trop grand pour les individus et trop petit pour les collectivités. Nous sommes en train de chercher une perception plus ample de nous mêmes, proportionnée à la distance mondiale de nos “arts fantôme” technologiques. Nous avons besoin donc de nouvelles et plus proportionnées métaphores sociales pour commencer à reconnaître notre planète, non seulement comme notre maison, mais comme notre véritable corps.

Antonio Torrenzano