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Conversation avec George Soros, financier américain, né le 12 août 1930 à Budapest (Hongrie) et devenu célèbre pour ses activités de spéculation sur les devises dans les années 1990 et ses activités de philanthropie. George Soros est actuellement président de Soros Fund Management et de l’Open Society Institute. Ancien élève de Karl Popper, il est auteur de nombreux essais dont «The New Paradigm for Financial Markets: The Credit Crisis of 2008 and What It Means», New York (2008); «The Age of Fallibility: Consequences of the War on Terror», New York (2006);«The Bubble of American Supremacy: Correcting the Misuse of American Power» (2003);«Open Society: Reforming Global Capitalism», New York (2000);«Science and the Open Society: The Future of Karl Popper’s Philosophy» ècrit ensemble à Mark Amadeus Notturno, New York (2000);«The Crisis of Global Capitalism: Open Society Endangered», New York (1998) et «The Alchemy of Finance», New York (1988). L’entretien a eu lieu au World economic Forum 2009 à Davos.

Antonio Torrenzano. La tourmente financière mondiale continue de causer des dégâts à travers le monde. La récession a, en effet, gagné de nouveaux pays tels que la Finlande et le Danemark alors que plusieurs États continuaient de payer pour soutenir leurs banques, sans rassurer les Bourses déprimées. Selon vous, la crise économique sera-t-elle longue ? Est-ce que la stimulation monétaire injectée dans le système financier jusqu’à présent, elle a été suffisante ?

George Soros. C’est difficile à le prévoir. Ce qu’on peut imaginer, c’est que les États-Unis difficilement reverront une croissance de leur PIB du 3% chaque année dans la prochaine décennie. La stimulation monétaire a été importante pour freiner l’effondrement, mais elle n’est pas suffisante pour inverser la route. Le système a besoin encore au moins de mille milliards de dollars.

Antonio Torrenzano. Est-ce qui devrait débourser ces mille milliards nécessaires au système? Le secteur bancaire reste sinistré et les États continuent à intervenir, le plus souvent en entrant au capital des banques.

George Soros. Il faudra les trouver parce que le système financier mondial est ainsi uni qu’il ne peut pas avoir de nouvelles crises bancaires aux périphéries moins avancées de la planète. Pour financer tout ceci, il faudra créer de la monnaie internationale, c’est le moment de relancer les droits spéciaux de prélèvement et en émettre pour les mille milliards qu’ils servent. Japon, Europe et les autres Pays OECD devront donner ou prêter argent par le Fond monétaire international.

Antonio Torrenzano. Quels seront-ils les régions périphériques intéressées par la crise économique? Déjà, plusieurs banques internationales ont décidé de donner leurs secours aux Pays de l’Europe de l’Est. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Banque européenne d’investissement, par exemple, elles ont déjà communiqué qui sont disposées à apporter jusqu’à 25 milliards d’euros sur deux ans aux banques et entreprises d’Europe de l’Est pour les aider à surmonter la crise.

George Soros. L’Europe de l’Est est une région intéressée par la crise économique, mais aussi l’Amérique latine et les Pays producteurs de matières premières. Après la faillite de la banque Lehman Brothers, tous les pays industrialisés ont dû garantir que leurs banques ne seraient pas échouées, mais les pays les plus périphériques n’ont pas pu garantir la même chose avec la même crédibilité.

Antonio Torrenzano. Qu’est-ce que vous pensez de la création d’une “Bad Bank” dans laquelle concentrer les titres toxiques ?

George Soros. La formule doit être originale parce que contrairement aux solutions mêmes exposées jusqu’à maintenant, la meilleure solution serait de faire confluer dans la “Bad Bank” pas seulement les titres toxiques, mais aussi le capital roulant pour créer une “Good Bank”.

Antonio Torrenzano

 

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Le sommet du G20 qui se tiendra à Londres à partir du deux avril apportera-t-il des mesures pouvant mettre fin à la crise économique et financière ? Le sommet redessinera-t-il l’architecture de l’ensemble du système pour que de nouvelles catastrophes ne puissent plus se reproduire ? Telles sont les interrogations qui reviennent dans la bouche de plusieurs spécialistes et économistes dans ces derniers jours. Après le premier sommet du G20 à Washington, en novembre 2008, la réunion du G20 à Londres sera un sommet avec de nombreuses attentes.

De nombreux facteurs ont été avancés dans ces mois pour expliquer la crise de sub-primes et l’imprévoyance d’institutions financières compétentes. Plusieurs spécialistes ont soutenu que la crise a été l’échec d’un mouvement d’intensification des échanges, mais, en même temps, la prise de conscience que la mondialisation ne restera plus sur la même trajectoire. Des autres, ils ont affirmé que l’excès du risque sans risque a été à l’origine de la crise bancaire et financière puis économique de cette dernière période. Selon, encore, certains analystes, ce sommet arrive trop tard. Trop tard pour ce qui concerne les plans de relance économique.

Entre les deux thèses, je crois qu’il faut aussi s’interroger sur la limitation de l’horizon temporel au court terme de notre société occidentale. Société occidentale qui a désappris à évaluer les risques, société occidentale qui s’est contentée du présent sans redonner de la valeur à l’avenir, société occidentale qui a oublié encore que nous vivons tous sur une seule et même Terre et que le globe peut s’essouffler ou exploser. Intégrer aux scénarios du présent l’avenir, il signifiera pour l’occident accepter de rouvrir les portes de l’interprétation et effacer la dérive d’un occidentalisme arrogant et belliqueux qui a prévalu trop souvent dans la dernière décennie.

L’urgence, l’instant sont des stimulants dont on peut se priver sans effort. Le temps de suspenses est désormais terminé avec les mauvaises nouvelles et la crise économique mondiale continue de causer des dégâts à travers le monde. Il est temps de retrouver de nouveaux points de repère.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Jürgen Habermas. Né en 1929 près de Cologne, Jürgen Habermas a fait ses études de philosophie à partir de 1949 à Göttingen puis à Bonn. Assistant de Theodor Adorno à Francfort à partir de 1956, successeur en 1964 de Max Horkheimer à la chaire de philosophie, il incarne la deuxième génération de l’école de Francfort. N’ayant cessé de mener conjointement son travail de recherche et une activité journalistique qui le conduit à de multiples prises de position publiques. Sa carrière universitaire le conduit à enseigner à Marbourg, à Heidelberg et auprès de Hans-Georg Gadamer, dont il discutera par la suite la philosophie, ainsi qu’aux États-Unis. Il a dirigé l’Institut Max-Planck de sciences sociales de 1971 à 1982. En 1982, il enseigne à Francfort, qu’il ne quittera plus jusqu’à sa retraite en 1994, où il demeure aujourd’hui en qualité de professeur émérite. Auteur d’une production scientifique considérable, dont une vingtaine de volumes qui ont été traduits en plusieurs langues diplomatiques, Jürgen Habermas a analysé, au cours des dix dernières années, les fondements de la démocratie contemporaine, les relations entre l’universalisme des droits de l’homme et le monde actuel, les relations entre la mondialisation et le multiculturalisme. Le dialogue publié dans ce carnet numérique a eu lieu à Rome au mois de février 2005 et dans l’année 2007 où le professeur était en visite pour des séminaires.

Antonio Torrenzano. Quels sont-ils les défis que pose la mondialisation à la communauté internationale ?

Jürgen Habermas. Nous vivons dans une société mondiale qui est vivement différenciée. Les problèmes de ce nouveau modèle dépassent les frontières nationales des États et ils ne peuvent plus être résolus seulement par les États nationaux. Cette fragmentation demande une coordination, une coopération et la formation d’une volonté politique commune qui dépasse des frontières nationales. Je m’imagine une société mondiale constituée politiquement comme un système à plus niveaux. Au-delà de l’État national, aujourd’hui, nous avons l’organisation mondiale des Nations Unies, mais entre ces deux niveaux il n’a pas été encore développé suffisamment un niveau intermédiaire: c’est-à-dire la concertation et l’élaboration de politiques transnationales. À ce but, une Union européenne devenue capable d’agir en politique étrangère, il pourrait fournir un bon exemple. La non-coordination et la non-concertation du système, qui est à aujourd’hui sans règles juridiques, il ne prévient pas les instabilités produites de l’économie mondiale et financière.

Antonio Torrenzano. Est-ce que l’exemple de l’Union européenne peut être une sorte de laboratoire pour une nouvelle politique intérieure du monde ? Les nouveaux médias de l’ère numérique peuvent-ils agir comme une caisse de résonnance ?

Jürgen Habermas. L’Europe et son organisation régionale doivent communiquer à l’unisson une seule politique étrangère. Une politique européenne étrangère chorale des 27 États membres, elle pourrait contribuer à rappeler aux autres États de la communauté internationale la nécessité d’une composition politique de la société mondiale en partant de l’exemple concret de l’évolution historique du continent européen et de son intégration régionale. Les nouveaux médias peuvent former démocratiquement l’opinion publique, car cet espace électronique doit parvenir à intégrer les voix marginales. Il doit pouvoir se constituer comme une caisse de résonance des problèmes sociaux globaux, en étant réceptif aux impulsions émanant des mondes vécus privés. L‘idée démocratique doit évidemment rester en contact avec la réalité si elle veut continuer à inspirer la pratique des citoyens et des hommes politiques, de même que celle des enseignants, des fonctionnaires, des juges, des étudiants. La citoyenneté démocratique est le seul ciment qui puisse maintenir une cohésion entre des sociétés qui s’éloignent les unes des autres.

Antonio Torrenzano. L’État national, il n’a pas toutefois renoncé à sa politique étrangère et à son pouvoir que la science des relations internationales définit de manière exhaustive.

Jürgen Habermas. Je suis d’accord avec votre affirmation:l’État national recherche encore à exercer une partie de son pouvoir par sa politique étrangère, mais les mutations de l’économie mondiale que nous venons de décrire, elles ont donné une profonde modification à la vision de la société internationale née avec le Traité de Westphalie. Seulement par une nouvelle concertation de politiques transnationales entre les États de la communauté internationale à niveau intermédiaire et le renforcement des Nations Unies, on effacerait définitivement le droit à la guerre qui était un ancien privilège des États souverains. Privilège que des États ont continué à exercer : je pense par exemple au désordre en Iraq. Dans mes derniers essais, par exemple, j’ai défendu l’idée kantienne d’un passage du droit des États à un droit cosmopolite, surtout contre la vision néoconservatrice du libéralisme hégémonique et contre la conception élaborée par Carl Schmitt.

Antonio Torrenzano. Mais Kant il s’imaginait un ordre cosmopolite seulement comme un État démocrate constitutionnel ou une association de républiques unique ensemble réunies par libre choix.

Jürgen Habermas. Kant dans son parcours d’élaboration d’un ordre cosmopolite, il a donné à sa thèse deux différentes possibilités de développement théorique. Il a considéré la forme de la République mondiale et celle de la Ligue des peuples. Kant, il était fasciné par les deux modèles de République qui étaient nés de la Révolution américaine et de la Révolution française. Mais, pour retourner à la question principale de cette interview, je crois que la communauté internationale à l’ère contemporaine devra préparer lentement une nouvelle politique interne du monde sans un gouvernement mondial. La question qui s’impose à nous aujourd’hui est de savoir si une telle idée n’est pas nécessairement tenue en échec par la complexité des sociétés or pour la non-clairvoyance des chefs d’État. Si cette idée, au contraire, elle n’avait plus de liens avec la réalité, comme beaucoup le pensent à présent, il existerait alors seulement des individus privés et des partenaires sociaux, le marché économique et des échanges de consommation, mais il n’y aurait plus de citoyens. Sans une nouvelle politique interne du monde, on verrait se reconstituer sous une nouvelle forme le fatalisme qui régnait dans les anciens royaumes avec la différence que ce ne serait plus des dieux qui régleraient les destins, mais les marchés économiques.

Antonio Torrenzano

 

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Zygmunt Bauman

Conversation avec Zygmunt Bauman, sociologue, écrivain. Il a enseigné aux universités de Tel-Aviv et de Leeds. Auteur de nombreux essais, traduits dans plusieurs langues étrangères, il a publié en France : «Le Coût humain de la mondialisation», éditions Hachette, 1999; «Modernité et Holocauste» éd. La Fabrique, 2002; «La Vie en miettes, Expérience postmoderne et moralité» éditions du Rouergue/Chambon, 2003; «L’Amour liquide, de la fragilité des liens entre les hommes» éditions du Rouergue/Chambon, 2004; « La Société assiégée», éditions Hachette, 2005. Le dialogue a eu lieu à Bologne et Reggio Émilia au mois de juillet et septembre 2008.

Laura Baraldi. En 1987, deux ans avant de la chute du mur de Berlin, dans vos analyses vous avez anticipé la profonde transformation de l’occident. Est-ce que la situation est pire de l’analyse que vous avez faite il y a vingt ans ?

Zygmunt Bauman. Depuis quelques années, les forces dominantes, surtout le capitalisme financier, qui détiennent l’argent et le pouvoir d’organiser le monde dans leur intérêt, elles ont trouvé d’autres stratégies : l’individu est devenu un consommateur, les États-nations sont en voie d’affaiblissement rapide, les règles ne sont plus juridiques, mais de marché. Nous vivons dans une société fondée sur la production de marchandises ou le marketing a transformé la rationalité du consommateur en des pulsions et l’achat est devenu compulsif.

Antonio Torrenzano. Croyez-vous qu’une mondialisation, ainsi crée, elle a produit une communauté sans un système social stable, une communauté sans un projet commun ?

Zygmunt Bauman. Nous vivons un grand capotage de l’Histoire occidentale. Le capitalisme a réussi à extraire le capital d’un cadre qui le contraignait trop, celui de l’État-nation, avec ses législations et ses tutelles légales. Aujourd’hui, il règne dans un espace extraterritorial et sans de surveillance. C’est pourquoi les lieux ne protègent plus. En d’autres termes, notre environnement social, que nous espérions rendre homogène, demeurera vraisemblablement une mosaïque de diasporas. Les crises et l’instabilité permanente démontrent la situation contemporaine.

Antonella Pennella. Pourquoi dans un système mondial, la communauté internationale n’a-t-elle pas développé une gouvernance globale ?

Zygmunt Bauman. Tous les problèmes d’aujourd’hui sont mondiaux alors que la politique reste coincée dans le local. Les liens entre pouvoir et politique, si forts dans le passé, sont desserrés. Tel est notre problème. Les leaders de la communauté internationale se trouvent dans un labyrinthe : incapables de produire un nouveau système des normes et de concevoir une nouvelle manière de vivre ensemble. L’État nation n’est plus les moteurs du progrès social, et je pense que l’on ne reviendra pas en arrière.Aujourd’hui, l’État-nation se trouve dans la même situation que les petites communautés de l’Ancien Régime. On ne peut pas s’en sortir politiquement en cherchant à restaurer ces ordres anciens, mais en reconstruisant l’alliance entre pouvoir et politique sur des préoccupations globales.

Antonella Pennella. Qu’est-ce qu’il reste de la Modernité et des philosophes des lumières à présent ?

Zygmunt Bauman. La croyance moderne, créée et promue par l’ancienne modernité, qui voulait donner plus de sagesse aux hommes de pouvoir et plus de pouvoir aux sages, est disparue. Il n’existe plus. Ce qui n’est pas illusoire, en revanche, c’est la possibilité de changer les conditions de vie des hommes, de lutter contre l’insécurité, la servitude, l’injustice, la violence, la souffrance, l’humiliation, de s’opposer contre toutes les violations à la dignité humaine. Ce désir devra être l’attribut le plus obstiné à présent, quasi universel, et sans doute le moins destructible de l’existence humaine.

Antonio Torrenzano. Il y a plus de deux cents ans, Emmanuel Kant énonça une vision prophétique du monde à venir : l’unification parfaite de l’espèce humaine à travers une citoyenneté commune…

Zygmunt Bauman. Élaborer des théories sur l’art de vivre à la surface d’une planète fut peut-être un luxe que Emmanuel Kant se permettait loin des foules exaspérantes, dans la quiétude provinciale de Konïgsberg; aujourd’hui – ainsi que les habitants du globe l’apprennent chaque jour à leurs dépens, et que les politiciens devront au final, même contrecoeur, admettre – la question figure en tête des préoccupations liées à la survie de l’homme.

Laura Baraldi, Antonella Pennella

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Michel Aglietta, économiste, essayiste, professeur de sciences économiques à l’Université Paris X, il est également conseiller scientifique au CEPII, membre de l’Institut universitaire de France, consultant à Groupama. Il a été membre du «Cercle des économistes» et membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre de 1997 à 2003. Michel Aglietta est l’un des fondateurs en 1976, avec Robert Boyer, de l’école de la régulation. Il est un spécialiste d’économie monétaire internationale, connu pour ses travaux sur le fonctionnement des marchés financiers. Il a dans plusieurs ouvrages soulignés ce qu’il considère être des failles du système financier. Auteur de nombreux essais publiés dans plusieurs langues étrangères dont «Désordres dans le capitalisme mondial» Paris, Odile Jacob, 2007 et «La crise. 10 questions pour décrypter la crise financière», aux éditions Michalons, 2008; Michel Aglietta dans ces essais a toujours souligné que le passage à une économie financière globalisée s’est accompagné d’une instabilité cyclique et d’un risque de système. Le dialogue a eu lieu à Lyon au mois de novembre 2008.

Antonio Torrenzano. Cette crise produira de profonds changements dans le fonctionnement des marchés et de l’économie réelle. Quels changements devraient être mis en place?

Michel Aglietta. Les nouvelles régulations vont se produire en finance, qui est au coeur de la crise. Les bases de ces régulations doivent être les suivantes:en premier lieu, il s’agit de limiter l’ampleur de l’endettement et d’empêcher les banques de faire déraper le crédit à toute allure. Cette crise marque la faillite d’une croyance selon laquelle le système financier peut fixer ses propres règles de fonctionnement et s’autoréguler. C’est donc l’échec d’une idéologie qui s’est développée, il y a trente ans sous Ronald Reagan et Margaret Thatcher puis a atteint son paroxysme avec Georges Bush et Alan Greenspan. Elle a permis non seulement à l’ingénierie financière de se développer, mais aussi d’être exploitée de manière perverse. La prise en charge du système financier par l’État clôt une époque d’une trentaine d’années, celle de tous les excès, du crédit, mais aussi de l’élargissement inadmissible des inégalités dû à l’emballement sans contrôle de la finance de marché. La croissance future devra être financée beaucoup plus par des fonds propres alloués à des investissements à long terme. La question d’une concertation multilatérale des grandes puissances sur les problèmes macroéconomiques globaux va être de plus en plus pertinente ainsi que le rôle du FMI pour l’animer.

Antonio Torrenzano. La communauté internationale occidentale a-t-elle gouverné à suffisance la mondialisation financière? Est-ce que j’aimerais aussi savoir votre pensée sur la réglementation des banques d’affaires?

Michel Aglietta. Les dirigeants politiques américains et anglais depuis Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont délibérément favorisé l’instabilité financière. Ces deux États à présent sont en quelque sorte d’otages de leur imprévoyance antérieure. En prétendant que les marchés pouvaient s’autodiscipliner, ces deux États ont démantelé les régulations en laissant ainsi des trous noirs dans la supervision du marché financier. Pour financer son plan dont on est encore loin de connaître les caractéristiques précises, l’État Américain, par exemple, va devoir s’endetter pour des montants colossaux qui s’ajoutent à ceux résultant des prises en charge d’organismes financiers tels que Fannie Mae, Freddie Mac et AIG. Les banques d’affaires ou d’investissement jusqu’à présent elles ne sont pas soumises aux mêmes règles que les banques commerciales, parce qu’elles n’ont pas de dépôts. Il faut établir des règles communes pour l’ensemble des banques, qu’elles soient d’investissement ou commerciales, qu’elles fassent du crédit normalement ou bien qu’elles en transfèrent le risque à d’autres. Il faut que l’ensemble des opérations de crédit soit soumis à la même régulation. Le problème se situe à un niveau international et il faudra que tous les pays ayant un important système bancaire adoptent des règles communes. Ce qui suppose de mettre les places offshores, comme Luxembourg ou les Îles Caïmans sous la règle commune. Car ces places offshores sans contrôle ont permis aux grandes banques d’y loger leurs activités et leur profit.

Antonio Torrenzano. Les pays émergents seront-ils touchés par la crise ?

Michel Aglietta. Les pays émergents vont être touchés par une baisse de leurs exportations. Après la crise asiatique, les pays émergents avaient choisi un régime de croissance tirée par les exportations, la baisse de consommation occidentale les gênera beaucoup. Ceci constitue une première cause de leur ralentissement.

Antonio Torrenzano

* Un spécial remerciement à l’artiste Patrick Chapatte pour l’illustration.

 

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Conversation avec Alberto Martinelli, écrivain, sociologue, professeur en science de la politique à la faculté Sciences-Po de l’université de Milan, ancien président de l’international sociological association. Auteur de nombreux essais, traduits dans différentes langues diplomatiques sur la mondialisation, les interdépendances économiques et la démocratie mondiale, il a publié récemment son dernier livre «La democrazia globale. Mercati, movimenti, governi» aux éditions Egea de l’université Bocconi, Milan, 2008. Le dialogue a eu lieu à Milan au mois de janvier 2009.

Antonio Torrenzano.Si l’on veut réfléchir sur la mondialisation après la crise financière du mois de septembre 2008 et la récession économique en cours, la communauté internationale devra répartir par la thèse suivante : la mondialisation, ainsi crée, elle a produit une communauté spontanée sans règles, une communauté sans un système social stable, une communauté sans un projet commun. La récession économique et les très graves répercussions sociales qui sont en train de se produire partout, elles représentent pas seulement un brûlant échec, mais elles obligent la communauté internationale et la société civile à considérer la mondialisation un fait social et pas seulement une simple expression comptable d’interdépendances entre économies.

Alberto Martinelli. Le monde contemporain est, en même temps, un système global unique et une réalité sociale fragmentée avec plusieurs conflits. Les possibles circonstances, sans précédent de justice sociale, de bien-être économique et démocratie politique depuis 1989 à aujourd’hui, elles ont été annulées par risques sans précédent, des guerres ravageuses, de catastrophes écologiques et par des inégalités intolérables. Même si les gouvernements des États occidentaux et les Organisations internationales qu’ils contrôlent ont joué un rôle essentiel dans ces transformations en produisant de nouvelles règles d’inspiration néolibérale, la crise et la récession économique prouvent aussi leur défaite. Pourquoi, par exemple, le réchauffement climatique, aujourd’hui en tête de l’agenda mondial, était-il un non-sujet il y a quinze ans? Une des contradictions les plus évidentes est celle entre l’interdépendance économique et technologique et une fragmentation politique et culturelle du système social. Nous vivons à présent dans un pseudo système unique et un monde fragmenté.

Arianna Tasselli. Un nombre croissant de citoyens du monde, affirme le directeur de l’hebdomadaire Alternatives économiques Philippe Fremaux, ont pris conscience de la nécessité d’apporter des solutions à la fois locales et globales aux défis politiques, économiques, sociaux et environnementaux auxquels l’humanité est confrontée. Leur action est d’autant plus nécessaire que le retour des États sur la scène mondiale n’est pas forcément favorable à une gestion coopérative des problèmes du monde. La question que je vous pose est alors la suivante : quelle mondialisation pourrons-nous envisager pour demain ?

Alberto Martinelli. La démocratie globale constitue l’horizon souhaitable vers lequel adresser l’action politique des peuples et des gouvernements, dont tous les citoyens du monde devraient tendre pour l’avenir. L’état du monde au début du XXI siècle est loin de cette configuration. Nous avons besoin de construire une communauté politique globale qui agit sur la base de nouvelles règles et d’institutions démocratiques. Le monde ne peut plus être pensé seulement comme un concert de nations entretenant entre elles des rapports de coopération ou de conflits,mais comme une totalité au sein de laquelle de multiples acteurs interagissent. Le non-renforcement de l’organisation internationale des Nations Unies en tel sens, il a été une erreur : vingt ans de retard, depuis le 1989, ils sont vraiment trop. C’est dans ce contexte que nous devons réfléchir, sur la façon dont l’Organisation des Nations Unies peut être réformée pour faire face aux défis de l’avenir, en se basant sur l’expérience du passé. Nous devons commencer par la fondation des valeurs éthiques que nous pouvons partager. L’utilisation de la parole éthique en tant qu’ensemble de principes moraux, présuppose que nous sommes tous liés par une compréhension commune de ce que cela signifie.

Arianna Tasselli

Antonio Torrenzano

*Un remerciement particulier à l’artiste Patrick Chappate pour l’illustration.

 

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Le bilan de la crise économique reste problématique. Mais quels coûts sociaux cette mondialisation néolibérale non gouvernée produira-t-elle sur les individus ? Si on veut réfléchir sur la mondialisation après la crise financière du mois de septembre 2008 et la récession économique en cours, la communauté internationale devra reconsidérer la suivante question : la mondialisation ainsi crée a-t-elle produit une communauté avec un système social stable, une communauté avec un projet commun ?

La récession économique et les très graves répercussions sociales qui sont en train de se produire partout, elles représentent pas seulement un brûlant échec, mais elles obligent la communauté internationale et la société civile à considérer la mondialisation un événement social planétaire et pas un simple phénomène d’interdépendances comptables entre économies.

Avec toute évidence, soit dans le champ financier et commercial, comme dans le secteur social, la situation contemporaine réclame des institutions et de nouvelles règles pour gérer les effets malheureux d’une crise qu’elle pouvait être prévenue. Pourquoi alors faut-il changer ? Pourquoi donc faut-il repenser une nouvelle mondialisation pour demain ? Parce que de nouvelles bulles financières, tôt ou tard, produiront d’autres véritables désastres. L’exclusion sociale qui dérive par cette crise est socialement corrosive et politiquement explosive.

L’intégration entre compétitivité mondiale et désintégration sociale n’a pas été une condition favorable à un nouveau statut de bien-être. De nouveaux modèles, en revanche, ils pourront faire fleurir de nouvelles conditions de confiance : une confiance créatrice et laborieuse. La richesse n’équivaut pas simplement à un PIB, mais à l’ensemble de conditions qu’ils concourent à former une nouvelle idée de bien-être.

Roberta Barbera

Antonio Torrenzano